Invitation calotine
Invitation calotine
L’infante qui nous vient d’Espagne
Pour être l’heureuse compagne
De notre aimable et jeune Roi
Est une princesse très sage
Et j’oserais jurer ma foi
Qu’elle apporte son pucelage
Houdard et Danchet, grands poètes1
,
Qui par vos belles chansonnettes
Charmez tout le monde poli,
Messieurs, aiguisez votre rime,
Donnez-nous au moins du joli
Si vous ne donnez du sublime.
Pour célébrer cette hyménée
Houdard, ta muse semble née,
Je te le dis en vérité,
Pour chanter l’amoureux mystère
Il faut un peu d’obscurité
Et ta muse n’est pas fort claire.
O toi, Danchet, bouche éloquente,
Réveille ta muse dormante
En faveur d’une jeune Cour
Et plus poète que La Grotte,
Donne des ailes à l’amour
De peur que ce dieu ne se crotte.
Vous avez les honneurs du Louvre,
Pour vous seuls la cassette s’ouvre.
Ventadour, Fréjus, Villeroy
Ne connaissent personne en France
Plus dignes de chanter le Roi.
Jouissez de la préférence !
Que si maint connaisseur s’étonne
Des pensions que l’on vous donne
Et que l’on pourrait placer mieux,
Méprisant un pareil reproche,
Laisser parler les envieux,
Et mettez l’argent dans la poche.
- 1Le manuscrit de Gacon (Lyon, 750) les appelle par dérision Houvart et Planchet.
Lyon BM, MS 750, f°257v - Lyon BM, MS 751, f°110r