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Conte sur l’aventure du P. Girard

Conte sur l’aventure du Père Girard
Un moine noir, animal singulier,
Ayant vécu longtemps dans un désordre
Que de tout temps on reproche à son ordre,
Voulut enfin renoncer au métier,
Et qui plus est, prêcha la pénitence,
Fit de son mieux, pour que ses adhérents
N’eussent de goût qu’à licite accointance
Aux seuls plaisirs de nos premiers parents.
Pour mieux prouver sa nouvelle doctrine,
Le bon Pater fit choix de Catherine
Qu’il dirigeait : moines savent choisir.
Elle était belle et sage, et de prestance
À convertir Naples, Rome et Florence,
Simple, surtout, et dont aucun désir
N’avait encore effleuré l’innocence.
Tout vient à point. Bientôt Sa Révérence
De notre Agnès eut le premier soupir :
Et puis enfin l’huis de la pénitence1
Devint pour eux le pertuis du plaisir.
Or en ce jeu, plus dangereux qu’un autre,
Tant à la fin besogna notre apôtre,
Que de son œuvre il craignait le produit ;
Produit amer, pour gens auxquels un prêtre
Ne donna pas pouvoir de faire un être.
Malgré ses soins, le nouveau cas fait bruit.
Maudit amour ! s’écrie alors le sire,
Tu m’as perdu ! notre Société,
Pour se venger de l’infidélité
Que je lui fais, hélas ! me fera cuire
En feu secret ; sinon le parlement
Bientôt prendra de mon fait connaissance,
Et le bûcher, ou du moins la potence,
Seront le fruit de mon égarement.
Sexe charmant, gentilles Provençales,
Qui me voyez engagé sous vos lois,
Si, détestant plaisirs impurs et sales,
Dont l’us infâme a dérobé vos droits,
J’ai voulu rendre un culte légitime
À vos appas, qu’un vrai retour anime,
Ou fléchissez mes juges inhumains,
Puisque c’est vous qui fîtes tout mon crime,
Ou sauvez-moi de leurs cruelles mains.
Je suis à vous, soyez mes protectrices,
Tôt me verrez, de ma conversion,
En Cord… savourant les délices,
Remplir Toulon d’édification,
Brûlant encore des flammes d’Aphrodite.
Ainsi, dit-on, prêchait ce néophyte,
S’imaginant qu’après un tel discours,
Le dévot sexe irait à son secours.
Tout au contraire. Or voyez qu’en ce monde,
On est sujet à mal juger d’autrui :
Ses compagnons ont cabalé pour lui ;
Le parlement l’absout ; le sexe en gronde.

 

  • 1Le confessionnal.

Numéro
$4137


Année
1731




Références

1732/1735, III,145-47 - 1752, III,144-46


Notes

Autre version de $1620 : thème identique, mais seuls le premier vers et le second tiers du texte proposent une leçon identique.