Extrait des registres du Conseil d 'Etat privé de la Calotte. N° 0102
Extrait des registres
du conseil d’État privé de la Calotte. N° 0102
De par le dieu porte-marotte,
Les généraux de la Calotte
À nos bien aimés et féaux,
Le chancelier et garde-sceaux
De notre bien joyeux empire,
Salut et matière de rire.
Notre affidé Jacques Martin,
Dès son enfance calotin,
Et calotin à toute outrance,
Se plaint que par Sa Révérence,
Dom Alaidon, son général,
Aurait été reçu très mal.
Demandant par humble requête
Qu’un œuvre [sic] sorti de sa tête
Fut envoyé chez l’imprimeur
Sur le billet de son censeur.
Que nonobstant, ce ledit Père
Aurait refusé de le faire,
Attendu que certaines gens
Lui diraient que raison ni sens
Ne se trouvaient dans ledit livre,
Qu’il y parlait en auteur ivre
Ou dépourvu de la raison ;
Qu’il lui fallait chercher maison
Propre à guérir sa frénésie
Et lui ôter la fantaisie
De voir encore mouler son nom.
Sur ce, ledit Père Alaidon
Aurait sur ladite requête
Mis un néant fort malhonnête.
Pour quoi ledit auteur vers nous
S’en pourvut : parce que tous fous
Non enchaînés mais lunatiques,
Sont sujets-nés de nos États,
Que sur leurs faits et leurs débats
Nous leur devons rendre justice.
À ces causes, vu la malice
Dudit général Alaidon
Qui, ne trouvant sens ni raison,
A rejeté ledit ouvrage,
Nous tirons Martin d’esclavage,
Le reconnaissons calotin,
Furieux, médisant, lutin.
Lui permettons de prendre et mordre
Sur les écrivains de tout ordre ;
Donnons notre protection
À sa neuve explication.
Peut-être Clermont de Tonnerre
Sur ce lui fera-t-il la guerre,
Car jadis ce noble seigneur
De tel œuvre fut l’inventeur
Et se disait l’illustrissime
In scripturis potentissime.
Au reste, s’il n’est inventeur,
Du moins est-il continuateur
Ou copiste sans arrogance ;
Témoin, quand il a suffisance
De ce qu’une table contient,
Alors humblement il maintient
Que ses sermons sont des mystères,
Puis fait querelle aux bons vieux pères
Aussi bien qu’à leurs éditeurs,
Qu’il n’eût traité de radoteurs
Au sujet de certain passage
S’il eût parcouru l’autre page.
Approuvons fort son zèle ardent
À taper sur certaines gens
Chez qui bon sens, de notre empire
Le grand ennemi, se retire.
Qu’il traite Quesnel comme il faut,
Qu’il vilipende Maître Arnauld,
Malgré le chancelier Pomponne
Quand il devrait en forme bonne
En aller demander pardon
Audit Seigneur porte-cordon.
Donc certain que ledit Martin
Sera toujours bon calotin,
Et qu’aucun dans son dit ouvrage
Ne verront qu’il ait fait usage
De notre adversaire Bon sens ;
Qu’au contraire à ses partisans
Il fait toujours guerre cruelle.
Mandons aux susdits généraux,
À vous, notre garde des Sceaux,
Qu’à réquisition première,
Sans nous mettre en peine autrement,
Que l’ouvrage aille à la beurrière
Gratis et sans émolument
Donner privilège au libraire
Car en faveur dudit Martin
Le veulent Aymon et Saint-Martin.
F.Fr.15015, f°109r-112r - Lille BM, MS 64, p.130-37