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Calotte de Moyencourt

Calotte de Moyencourt
De par le dieu porte-marotte,
Nous, généraux de la Calotte,
Savoir faisons que Moyencourt,
Guerrier, poète, homme de cour,
Ayant déjà triple marotte,
Mérite aussi triple calotte,
Et surtout celle de rimeur
Que nous lui donnons de bon cœur,
D’autant que maître de sa verve
Il sait se passer de Minerve
Et soutient qu’un esprit galant
Peut faire des vers sans talent
À l’exemple d’Houdard de la Motte,
Qui de Paris est la marotte,
Mais que le susdit Moyencourt
Traite de rimeur froid et lourd,
Bien qu’il ait tant de ressemblance
Avec ce roi des beaux esprits,
Que quiconque lit leurs écrits
N’y trouve aucune différence.
À ces causes, vu le travers
Et l’amour très peu légitime
Dudit Moyencourt pour sa rime,
Lui donnons par les présents vers,
Comme chef de gent besacière,
Droit de porter dorénavant
Les défauts d’autrui par devant
Et porter les siens par derrière,
Droit que la Motte eut avant lui
Et qui fait qu’un homme qui s’aime
Est toujours lynx envers autrui
Et taupe envers soi-même.
Plus, comme il estime et chérit Roy
Jusqu’à dire que notre Roi
En l’envoyant à la Bastille
Pour des vers où la haine brille
A contristé d’honnêtes gens,
Lui donnons un des premiers rangs
Parmi ceux que l’histoire vante
En fait d’amitié très constante,
Amitié dont Roy quelque jour
Lui témoignera du retour
En nous donnant sa portraiture
D’après noble et belle nature,
Comme Rousseau le fit jadis
Envers tous ses meilleurs amis.
Enfin puisqu’il faut pour lui plaire
Peser au pied du sanctuaire
Le courroux du Roi contre Roy,
Nous convenons de bonne foi
N’y point trouver cette justice
Qui mesure la peine au vice,
Car mettre en royal logement
Un rimeur que la bile irrite,
On lui fait par ce châtiment
Bien plus d’honneur qu’il ne mérite.

 

Numéro
$4176





Références

Lyon BM, MS 750, f°215v-216v - Lyon BM, Ms 751, f°53r-54v