Calotte de Pralart et de Seguinot
Calotte de Pralart et Seguinot
Nous, généraux de la Calotte,
À toute gent porte-marotte,
Nos amés et féaux calotins,
Savoir faisons par ces présentes
Que les Grecs et puis les Latins
Deux nations des plus savantes
Ayant dûment vérifié
Sur la doctrine d'Aristote
Que la terreur et la pitié
Rendaient l'âme peureuse et sotte,
Et que la tragédie en pleurs
Par des scènes tristes, affreuses,
Pouvaient corriger dans les cœurs
Ces habitudes vicieuses.
À ces causes les sieurs Pralart
Et Seguinot par leur Égiste,
Pièce autant affreuse que triste,
Ont relevé le fameux art
Qui semblait tomber en ruine
Faute d’un Corneille ou Racine,
D’autant que, depuis leur trépas,
Leur cothurne, par cent faux pas,
S’en allait à son dernier terme,
Lorsque Silard et Beguinot,
Soutenant ce pauvre pied-bot,
L’ont fait marcher d’un pas plus ferme.
Bien est-il vrai qu’un tel secours
N’a duré que deux ou trois jours.
Mais une telle tentative
Méritant une expectative
Du plus noble et plus vert laurier,
Mandons à notre trésorier
Des récompenses calotines
De leur livrer tant en bruines
Qu’en brouillards quatre mille écus,
En attendant que Romulus,
Autre pièce d’Houdard La Motte
Dont le vers brille et papillote,
Nous détermine cet hiver
À décerner le laurier vert
À la pièce la plus de suite
Et qui fera voir plus de mœurs,
Plus de bon sens et de conduite.
Voulons que les susdits rimeurs,
Pralart, Seguinot et La Motte,
Par toute gent porte-marotte
Soient traités d’auteurs précieux,
Et le tout en attendant mieux.
Si mieux pourtant on doit attendre
Après ces fameux écrivains
Qui pour le grand et pour le tendre
Passent les Grecs et les Romains.
Lyon BM, MS 750, f°240 - Lyon BM, MS 751, f°88r-89r