Phénomène au sujet d’une course

L’Arabe Cid Benengeli,

Historien de Don Quichotte,

Et les modernes l’Angely,

Tributaire de la Calotte,

En parlant des coureurs de nuit

A prophétisé ce qui suit.

Sous le règne du plus aimable

Et du plus aimé de nos rois,

Je vois chez vous, O bons Gaulois,

Renaître la fleur véritable

Des braves chevaliers errants

Oubliés depuis trois cents ans.

Ordre sans pair, vois ton grand maître,

Haut à la main, prompt au pari,

Dégaïneur très bien aguerri,

Sur quelque point que ce puisse être,

Proposant toujours paroli,

Près des dames vif et poli,

Friand de dangers magnifiques

Et chef des géants helvétiques.

Calotins, soyez ses sujets.

Je vois pleurer cet Alexandre

Si sa valeur manque d’objet.

Il cherche géants à pourfendre,

Monstres à percer de ses traits,

Dragons, andriagues à prendre

Comme lapins dans ses filets,

Pucelles même à défendre

Contre ravisseurs indiscrets.

Mais sexe bénin, tu te tais,

Et fille en ce point outragée

N’exige plus d’être vengée.

Où donc notre nouveau Roland

Exercera-t-il son talent ?

En vain la noire et sourde envie

Veut ternir le cours de sa vie,

D’un enchanteur malicieux

Du Mauconseil l’avis perfide

Dans la nuit à Milly le guide.

On lui bande même les yeux.

Monstres, sorciers, triple Euménide,

Tout l’enfer l’attend en ces lieux.

Du labyrinthe de Thésée,

De l’antre de Montesinos

La sortie était plus aisée,

Et plus propice à nos héros.

Eh, ma déesse tutélaire,

Dérange ton cours ordinaire.

Cette nuit, à tout l’univers

Tu refuses ton luminaire,

S’écria-t-il, mais aide et sers

Un fol si soigneux de te plaire

Et sauve-le de ces déserts.

Miracle qu’on ne pourra croire

Des calotins le grand flambeau

Luit pour lui seul et pour sa gloire,

Car pour tous autres la nuit noire

Épaissit encore leur bandeau,

Et sonnant du cor la victoire

Le conduit à Fontainebleau.