Calotte de Julien / Brevet de calotte pour madame de Belloy (Bois-Jourdain)
Calotte de Julien1
De par le dieu porte-marotte,
Nous, généraux de la Calotte,
À tout le sexe féminin,
Sexe aimable, doux et bénin,
Savoir faisons que fille ou femme,
Faisant voir une grandeur d’âme
Mérite d’autant plus d’honneur
Que l’amour régnant dans leur cœur,
Les faits d’armes et de courage
Ne sont point de leur apanage.
À ces causes, pour faire droit,
Ayant appris de bon endroit
Que certaine dame qu’on nomme
La Du Belloy, comme un brave homme,
Aurait désarmé bel et bien
Le féroce et fougueux Julien,
Homme qui, jetant feu et flamme,
Dans le fond est moins qu’une femme,
D’autant qu’avec deux pistolets
Qu’il aurait chargé de boulets,
Il serait venu plein d’audace
Lui demander avec audace
Raison touchant certains propos
Qui l’auraient touché jusqu’aux os.
Mais ladite Belloy, Gasconne,
À l’exemple d’une amazone,
Saisissant son homme au collet
Lui fit quitter le pistolet
Et par-devant un commissaire,
Quoiqu’il eût seul porté les coups,
Le contraignit encore de faire
Amende honorable à genoux.
Délibéré sur la matière
De cette action calotière
Nous, Torsac, Aymon, Saint-Martin,
Tenant le conseil calotin,
Créons la susdite héroïne
Chef de la troupe calotine
Qui, sans avoir barbe au menton,
Prend avec noble confiance
Pistolets, épée ou bâton
Pour punir quiconque l’offense.
Lui donnons mille écus par an
Pour pension, droit honoraire
À recevoir sur le roman
De l’héroïne mousquetaire.
En outre, condamnons Julien,
Ainsi qu’il le mérite bien,
À reprendre sa propre femme
Laquelle il tient dans un couvent,
De crainte d’entendre souvent
Les noms de malheureux, d’infâme
Qu’elle lui donnait justement,
Attendu qu’en mari peu sage,
Il portait hors du mariage
Des plaisirs dus au sacrement.
Consentons que ladite épouse
Le traite en son humeur jalouse,
Non de paroles mais d’effet
Ainsi que Du Belloy l’a fait.
Ne lui déléguons aucuns gages,
Salaires, profits, avantages,
Nous reposant de tout cela
Sur les femmes qu’il choquera.
- 1Autre titre: Calotte de Madame de Belloy (Bois-Jourdain) - Le sieur Julien l’aîné, homme dans les affaires, locataire d’un appartement à l’hôtel d’Estrées appartenant à M. de Belloy qui était alors à Lyon, faisait mauvais ménage avec sa femme, et amenait souvent coucher chez lui les filles qu’il entretenait. Madame du Belloy, à qui son portier rendit compte de ce qui se passait, donna ordre que les portes fussent fermées aux femmes que Julien voulait introduire le soir. Julien, à qui l’on rendit cet ordre, et qui se trouvait dans le cas d’y contrevenir, entra en furieux dans l’appartement de madame de Belloy pour en demander raison et en tirer vengeance. Il n’avait pas moins de deux pistolets, dont l’aspect fit évanouir la femme de chambre qui était seule auprès de sa dame, qui n’eut pas moins le courage de sauter sur l’insolent et la force de le désarmer, et envoya de suite chercher un commissaire, pendant qu’elle faisait garder l’homme par ses domestiques qui étaient accourus au bruit. Cet officier aurait souhaité qu’on poursuivit l’affaire, et que si l’on voulait lui déposer ses pistolets, il se faisait fort de faire pendre le coupable à la porte de la maison ; mais madame de Belloy, bien conseillée, se contenta de sa honte et du pardon qu’il lui demanda en présence de témoins, et de le faire déloger dans les vingt-quatre heures ; elle eut même la complaisance de lui rendre ses pistolets, cependant ave la précaution de s’en faire donner une reconnaissance qui est datée du 3 janvier 1722, et en original enre les mains de M. de Belloy. Gacon a fait le brevet ci-contre et M. le Régent envoya à cette dame la médaille d’argent du Régiment, suspendue à un ruban bleu. Elle demanda en plaisantant, à celui qui la lui apporta, où était la pension. M. le duc d’Orléans, charmé de l’action et de la réponse, voulut voir madame de Belloy, qui lui fut présentée (Bois-Jourdain)
F.Fr.12654, p.37-39 - F.Fr.25570, p.343-44 - Arsenal, 2935, f° 192r-195r - Arsenal, 3359, p.177-79 - Grenoble BM, MS 587, f°125r-126r - Lyon BM, MS 750, f°246 - Lyon BM, MS 751, f°96v-97r - Bois-Jourdain, III, 105-108