Dégradation du Sieur Desbordes lieutenant des gardes
de la porte des Petites-Maisons
    Nous, Philippe Emmanuel de Torsac, par la grâce de Dieu Généralissime de la Calotte, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, Salut. Les plaintes continuelles qu’on nous a faites, tant verbales que par écrit, contre le Sieur D…, Capitaine des gardes de la porte des Petites-Maisons, nous obligent, pour l’honneur du corps que nous commandons, de prendre des mesures convenables pour y remédier. Nous avions passé légèrement l’excès de ses extravagances, suivies de beaucoup de faiblesse, dans l’espérance que, par une vertu militaire, il les soutiendrait mieux à l’avenir, comme étant habituelles. La retraite honteuse qu’il fit devant le Baron de G…, jointe aux menaces du Sieur de P…, accompagnées d’une remontrance manuelle qu’il reçut évangéliquement par un de nos officiers, nous obligea de le pourvoir de l’emploi de capitaine des gardes de la porte des Petites-Maisons, que nous regardions comme un asile, dans l’espérance qu’il s’y tiendrait pour le salut de ses épaules si souvent stigmatisées et pour ne pas encourir les risques auxquels son humeur fanatique l’exposait à tout moment. Nous apprenons cependant, qu’après avoir été plusieurs fois admonesté et molesté charitablement par différents gardes du Roi, entre autres le Sr. R…, pour l’obliger de se tenir à son poste, il aurait couru les bals et autres spectacles avec son bâton et qu’il aurait eu l’impudence de prendre le nom d’un des officiers desdites gardes, surtout dans un lieu qui ne peut être pratiqué que par des gens de sa sorte ; ce qui obligea la nommée G…1 , femme d’un soldat aux gardes, de nous présenter requête, sur ce qu’ayant soupé et pris ses ébats chez elle avec Gogo la Frétille, il les aurait escroquées, disant, en montrant son bâton, qu’il était exempt des gardes du corps ; ce qui nous a d’autant plus surpris, qu’il fut rudement molesté l’an passé par un tambour de la même compagnie. Nous apprenons encore qu’après être déchu de tout ordre de chevalerie, même de celle de Saint-Lazare, il a osé faire la tentative de cette dernière, avec offre de faire preuve de contusions par certificats de médecins et chirurgiens. Ainsi, pour abréger sur quantité de faits qui ne sont point de notre compétence et dont sa vie est un tissu, ouï le rapport des Sieurs Batonneau et Reversé, que nous avions nommés commissaires en cette partie ; vu leur procès-verbal et statué sur ce qu’il convient, avons cassé et dégradé, cassons et dégradons ledit D… de sa charge de capitaine des gardes de la portes des Petites-Maisons ; ordonnons que son nom sera rayé et biffé de nos registres, et son bâton brûlé par les mains du bourreau du Régiment, et faisant droit sur le tout, sans nous arrêter à la requête de ladite G… que nous avons renvoyée devant la présidente Fillon2 pour y procéder ainsi qu’elle avisera bon être pour réparation envers les gardes du Roi, dont ledit D… s’est, méchamment, indiscrètement et comme malavisé, dit officier ; l’avons condamné à vider les pots de chambre de ceux qui sont sur le gué, et à décrotter leurs bottes et souliers pendant onze jours. Ce fait, ledit D… sera mené et conduit dans une chambre aux Petites-Maisons, où il sera détenu comme incendiaire, fol, enragé, forcené et hypocondriaque jusqu’à ce que mort s’ensuive. Lui accordons cependant une pension alimentaire de 120 livres tournois par an sur le premier archevêché vacant dans les Terres inconnues, et dépendant du Régiment. Voulons pourtant que tous ses biens soient confisqués au profit du Sieur B… et autres, pour dédommagement de ce qu’ils ont perdu dans leur incendie. Et sera le présent arrêt lu, publié et affiché partout où besoin sera. Fait en la salle de la Samaritaine, ce 27 juillet 1719.

• 1Fameuse appareilleuse (M.).
• 2 Le Sr… fut reconnu par elle dans la salle des gardes. Le général lui envoya cette dégradation badine pour le corriger de son humeur hautaine qu’il ne soutint pas (M.).