Chanson sur l’opéra d’Endymion et de Diane
Chanson sur l’opéra d’Endymion et de Diane1
C’est donc par vous, petit Colin,
Qu’on verra Fontenelle,
Ravitaillé par Pellegrin2
,
Briller à la chandelle.
Sans vous, on n’eût jamais noté
L’Endymion garde-boutique,
Soporifique.
Mon fils, en vérité,
Vous avez bien de la bonté3
.
Qu’entre les jurés beaux esprits,
Fontenelle ait la place :
Ils sont faits pour mettre à haut prix
Tout ouvrage à la glace.
Mais si le bonhomme a compté,
Que d’un doux accueil on régale
Sa pastorale,
Parterre, en vérité,
Vous auriez bien de la bonté.
Octogénaire Céladon,
Ta muse ressuscite
Vers forcés, précieux jargon,
Ni rime ni conduite.
Ton Endymion rebuté,
Aboya trente ans à la lune,
Pour sa fortune ;
Gruer, en vérité,
Témoigne bien de la bonté.
Fontenelle, ce vieux bedeau
Du temple de Cythère,
Fait remonter sur le tréteau,
Sa muse douairière.
Si de ce ballet avorté,
Vous daignez faire la critique,
Cher Dominique4
,
Je dis qu’en vérité,
Vous aurez bien de la bonté.
Puisque chaque âge a ses hochets,
Comme a dit Fontenelle :
Passons les vers colifichets
À sa jeune cervelle.
Mais que, décrépit et voûté,
Sur la scène encore il gigote
Une calotte.
Messieurs, en vérité,
Ne l’a-t-il pas bien mérité ?
On a tant sifflé sur l’Aspar[fn] A partir d'ici le texte ne ses trouve que dans le Bouquet académique, recueil composé par Roy à l'intention du marquis de Paulmy, recueil resté inédit et jamais diffusé. Il en est donc la seule occurrence.
Le sieur de Fontenelle ;
Il est incorrigible, car
Voici bonne nouvelle
Du coche on l’avait culbuté.
Chacun le grippe, le houspille
Le déguenille.
Le monde, en vérité,
Nous trouve encore trop de bonté.
Vive la docte oisiveté
Où notre corps s’engage.
Pourquoi le doyen entêté
Risque-t-il un ouvrage ?
Le voilà sifflé, coupleté.
Condamnons le pauvre confrère
À ne rien faire.
Paris en vérité
Nous louera de cette bonté.
De chanter à ton opéra
Ferais-je la sottise ?
Je chanterai ton libera,
Si tant est qu’on en dise.
Antier par cette honnêteté
Consolait le vieux Fontenelle.
Mademoiselle,
Mon incrédulité
Vous quitte de cette bonté.
Le velours tanné tant porté5
Déplaît à Fontenelle.
Il espère un habit d’été
De sa pièce nouvelle.
Monsieur Gautier6 l’aurait prêté,
Mais entendant siffler l’ouvrage,
En homme sage
Il dit, en vérité,
Je n’ai pas là ma sûreté.
Le prophète de Bornéo
Le pieux Fontenelle
D’Enegu, Mreo, Mlisco,
L’historien fidèle
Pour rimer du diable est tenté.
Louez-vous sa verve profane ?
L’orgueil le damne.
Chrétiens, en vérité,
Le bafouer c’est charité.
Cher ami, je n’ai vergeté
Chez toi qu’un ridicule
Tu voudrais bien qu’on t’eût traité
De fourbe et d’incrédule.
J’admire ta sincérité,
Ta piété rare et sublime.
Mais pour la rime,
Mon cher, en vérité,
C’est exiger trop de bonté.
- 1L’Endymion de M. de Fontenelle, mis en musique par Colin de Blamont n’a paru au théâtre de l’opéra qu’au mois de mai 1731. Il eut peu de succès quoique le signor Mauzi, le plus renommé décorateur de l’Italie que le feu prince de Carignan avait lors appelé à Paris, l’eût orné de deux magnfiques décorations. M. de Fontenelle avait composé cette pastorale depuis longtemps, mais comme il en voyait apparemment les défauts, il ne jugea pas à propos de la retoucher lui-même ; c’est l’abbé Pellegin qui l’a mis dans le faible état où elle a paru. (Castries
- 2Poète qui a retouché certains endroits d’Endymion, pour mettre les vers plus aisément en musique (Castries)
- 3L’auteur d’Endymion pour prendre sa revanche des Comédiens-Italiens, fit jouer à l’Opéra cet Endymion, proscrit depuis si longtemps, ce qui occasionna les couplets suivants (Bouquet académique).
- 4Acteur de la Comédie-Italienne, qui compose d’ordinaire les parodies, avec Romagnesi, autre acteur de la même troupe (Castries).
- 5Référence à Mme de Tencin ?
- 6Fameux marchand de soie.
Bouquet académique, p.52-59 - 1732/1735, III,121-23 - 1752, III,121-23 - Arsenal 2938, f°66r-67v - Mazarine Castries 3985, p.109-11 - Lille BM, MS 66, p.289-92 - Glaneur historique, 31 mai 1731