Brevet pour le Sr Magny, médecin
Brevet pour le Sieur Magny, médecin
Momus, dieu couru, s’il en fut
Jamais sur la terre et sur l’onde,
À tous les fous pommés, salut,
Et c’est salut à bien du monde.
Comme ainsi soit qu’en chaque corps
Est une honteuse partie,
Qu’il est des faibles et des forts,
Qu’il est du Bourgogne et du Brie,
Du Champagne et du Brétigny,
Qu’enfin sous nos drapeaux illustres
Il est des polis et des rustres,
Voulons bien enrôler Magny.
Mais en lui faisant cette grâce,
N’entendons point troubler les rangs.
Défendons aux habiles gens
De bouger ni lui faire place,
Parce qu’étant de soi très vain,
L’honneur d’être calotin
Pourrait le rendre téméraire
Au point d’insulter ses confrères.
Celle dont n’aurait point voulu,
La plus misérable pécore,
Le plus méprisé malotru,
N’est pour lui que très bonne encore. [sic]
Plus, le sachant grand spadassin,
Et pour primer prêt à tout faire,
Que cet âne souvent en chaire
Monte au lieu d’aller au moulin.
Nous, pour contenter son attente
Ayant mérité cet honneur,
Le déclarons par la présente
Du Grand Thomas le successeur.
En empruntera la boutique
Pour y donner leçon publique,
Et là, parmi le brouhaha,
Prendra le bonnet de Midas.
Puis, d’un ton rempli d’arrogance,
Il remerciera l’assistance
En bon latin, par des discours
Que n’assisteront que des sourds
De peur de piquer des diphtongues ;
Mais surtout qu’il soit des plus courts
Car sotte harangue toujours,
Tant courte soit-elle, est trop longue.
Lui défendons expressément
D’avoir école aucunement
Dans l’espoir d’y faire un élève,
Si ce n’est des roués en grève.
Ainsi fait et donné par nous,
Le charitable dieu des fous,
Qui de tout se moque et se joue.
Témoin un docteur que Magny
Par sa main légère a flétri
D’un petit soufflet à la joue.
F.Fr.15017, f°201r-203v - Lille BM, MS 64, p.93-97
Identique pour moitié avec $5032 qui figure dans les oeuvres de Piron (OC, t.IX, p.35-37)