Brevet en prose pour le sieur de Montguin

de directeur des chasses

Les gens tenant le conseil de notre Régiment, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. Le plus noble de tous les exercices est celui de la chasse, c’est une image de la guerre ; les calotins sont nés guerriers, la chasse est leur amusement, mais il leur convient de chasser d’un goût différent de celui du vulgaire ; c’est ce que nous venons de voir exécuter par le sieur de Montguin avec une approbation générale. Ce nouveau Nemrod a augmenté le plaisir en diminuant les frais, invention heureuse pour notre noblesse que nous voyons souvent avec grand plaisir avoir le sort d’Actéon et d’Hippolyte. Le sieur de Monguin a trouvé le secret de réduire la chasse à ses plaisirs naturels en la forçant à être unique seul remède contre l’inconvénient du change que souvent produisent deux ou trois chasses différentes, d’où naissent de grands débats entre les veneurs et il a exécuté cette grande entreprise à l’aide du chien Monocarpo dont le nom mérite place dans la vénerie du Régiment et dont la race sera sérieusement dorénavant élevée pour perpétuer des opérations surprenantes.

À ces causes, désirant traiter favorablement le sieur de Montguin, nous avons créé en sa faveur une charge de capitaine des chasses du cabinet du Régiment, que nous déclarons indépendante de celle de notre grand veneur, auquel nous défendons de troubler le nouveau pourvu dans l’exercice de sa charge ; lui ordonnons de le laisser courre libre durant sa vie, seulement dans toutes les terres, îles, bois, forêts, buissons, guérets, tant connus qu’à connaître, qui sont du domaine du Régiment. Sera loisible au dit sieur de Montguin d’y chasser à pied et à cheval, armé ou non armé, en guêtres ou en bottes, à cours ou à raccourci, à cor et à cri, ou sans cri ni cor, lorsqu’il sera trop enrhumé, le tout avec Monocarpo qui sera patron unique à tout le chenil de son ordre, de l’un ou de l’autre sexe. Nous attachons à la dignité du sieur Montguin douze mille six cents livres d’appointements, payables sur la cassette du Régiment et ce sur simple quittance. Nous ordonnons de plus que le sieur de Montguin sera peint à fresque au naturel, et Monocarpo à ses côtés dans la galerie basse de notre château de la chasse situé dans la haute forêt d’Enghien par le peintre en année de nos menus plaisirs, et pour mettre le comble à nos grâces, nous permettons audit capitaine, chef des chasses de notre cabinet, de se sommer l’écusson de ses armes d’un daim rampant sans suite, surmonté du rat passant sans girouette, et pour cri de guerre Monocarpo. Car c’est ainsi qu’il pourra plus honorer ce veneur solitaire. Fait au retour de la chasse le 12 de la huitième lune de l’an du Régiment 7723 qui répond au 10 août de l’année 1723. De l’ordre commun, sede vacante. Saint-Martin, Lazure.