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Brevet en faveur du Sr de la Peyronie et autres chirurgiens de Paris

Brevet en faveur du Sr de la Peyronie

et autres chirurgiens de Paris

De par Momus, dieu de la raillerie

Et protecteur du peuple calotin,

À tous les gens convaincus de folie

Ayant brevet signé de notre main,

À nos féaux dont l'illlustre manie

Sur l'univers faisant régner nos lois

De notre empire étend partout les droits,

Salut, honneur, indulgence plénière.

Ayant appris que le corps téméraire

Des médecins osait avec succès

Poursuivre encore un injuste procès,

Et que joignant avec l'impéritie

L'obscurité, le vain abus des mots,

Ils séduisaient la plus grande partie,

Ils s'efforçaient de convaincre les sots.

De plus, sachant qu'ils avaient le courage

De résister aux plus forts arguments,

Et que malgré mille écrits accablants

Ils s'escrimaient, faisant tête à l'orage.

D'une autre part, nous ayant été dit

Que les barbiers employaient leur crédit

Pour s'adjuger l'entière indépendance

Et relever la chirurgie en France

Et qu'à présent, anoblis pour jamais,

Et distingués par leur haute origine

Comme autrefois leur profonde doctrine

Pour expliquer des maux les plus secrets

Et le principe et le fâcheux progrès,

Et que déjà leur talent littéraire

Dans la physique apporta la lumière.

Ceci par nous longtemps considéré,

Nous déclarons le Sieur La Martinière,

Dans nos États justement admiré,

Le président de notre académie.

Nous lui devons le sublime degré

Où le destin et son puissant génie

Le font monter dans notre compagnie.

Voulons que Bourges, où cent docteurs fameux

De l'univers méritent le suffrage,

Sans examen donne pour apanage

À nos jurés partout victorieux

de maître ès arts le titre glorieux,

Leur épargnant, pour rendre témoignage

À leur savoir, jusqu'aux frais du voyage.

Nous enjoignons à la communauté

nouvellement décorée, enrichie

Par les bons soins du Sieur La Peyronie,

De se donner le nom de faculté

En s'arrogeant le brillant privilège

De régenter et de tenir collège.

On la verra par ses doctes leçons

Dans tout Paris former des nourrissons,

Faire oublier ces antiques écoles

Que Montpellier vantait à tout propos,

Pulvériser un tas de fariboles

Où l'on apprend à prévenir les maux

Et raisonner sur la philosophie,

Les éléments, la structure du corps,

Porter enfin ses sublimes efforts

Jusqu'aux secrets de la rare alchimie.

Ne doit-on pas à ses vastes travaux,

Malgré les cris de ses faibles rivaux,

Ce beau recueil, ce livre académique

Intéressant par son style énergique,

Où chaque auteur parle sublimement,

Livre d'ailleurs écrit si savamment

Qu'il est exempt de la moindre critique

Et si rempli d'un profond jugement

Que pour payer sa valeur intrinsèque

Avons voulu pour notre amusement

Qu'il augmente notre bibliothèque

Dont il sera le plus bref ornement.

On y joindra la docte économie

Qui doit son être à l'éloquent Quesnay,

Et de Winclour, la froide anatomie

Mise au rebut pourrira sur le quai.

Qu'ont jamais fait les éternels Rivière,

Hester, Boerhaave et tant d'esprits vulgaires,

Hoffnau, Astruc, qu'ont-ils donc fait ? Des riens,

Toujours sifflés des bons chirurgiens.

Peut-on nommer ces fade rapsodies

Lorsqu'on connaît les écrits lumineux

Que tout Saint-Côme étale aux curieux ?

Jamais Molin sut-il des maladies

Développant les effets dangereux,

Et les connaître et les guérir comme eux ?

Voulons de plus qu'en pleine académie

Qu'un marbre blanc en buste façonné

Et d'un cyprès galamment couronné

Présente aux yeux la physionomie

Et tous les traits du grand La Peyronie.

Qu'on joigne enfin pour plus de dignité

Et les grelots et la triple calotte,

Et que plus bas on trouve la marotte,

Et qu'à l'aspect tout frater enchanté

Bouche béante admire ce grand homme

Que pour ses faits tout l'univers renomme,

Ce courtisan connu pour sa candeur

Dont nous avons des preuves authentiques,

Savant, affable, et nullement flatteur.

Que tous les ans, en termes magnifiques,

Un orateur par nous pensionné

Fasse en public son éloge funèbre,

N'oubliant pas le testament célèbre

Et le projet savamment raisonné

De tout oser, même de tout détruire,

Pour se soustraire au ridicule empire

Des médecins, dont le jaloux orgueil

Voudraient mener des maîtres d'un coup d'oeil

Lorsqu'ils devraient, laissant là leurs systèmes,

Les écouter et se soumettre eux-mêmes.

Nous prescrivons à tout jeune écolier

Qui, postulant grade de bachelier,

Voudra se faire un nom en chirurgie,

S'il veut venir à bout de son dessein,

D'abandonner pratique, anatomie,

Expérience, agileté de main,

Dissections et semblables fadaises

Pour porter robes et soutenir des thèses,

Projet divin et d'une utilité

Dont le public ne s'est jamais douté.

Mais pour les sots, traitant de singeries

L'ordre pompeux de ces cérémonies,

Ce sont mortels trop petits à nos yeux

Pour mériter la colère des dieux.

Voulons de plus qu'une école latine

Soit accordée à nos maîtres-jurés

Et qu'étant tous par nos mains décorés

On voie enfin le savoir en hermine.

L'art de guérir d'eux seuls étant connu

Nous leur donnons le pouvoir absolu

De disputer sur toutes ses parties

Et de traiter toutes les maladies.

Bref, convaincu de leur capacité

Qu'accompagna toujours l'humilité,

Nous ordonnons, en dépit de l'envie,

Que tout barbier, grâce à notre pouvoir,

Foulant aux pieds le scabelle, le rasoir,

Avec le nom de maître en chirurgie

Prenne bonnet des mains de la Folie,

Qui, présidant à mille actes fameux,

À l'univers rendra bon témoignage

De leur doctrine et du rare avantage

Que nous trouvons à nous joindre avec eux.

Fait le… donné dans la chambre ratière.

Signé Momus, et plus bas La Martinière..

Numéro
$4526





Références

Lille BM, MS 64, p.432-41