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Brevet en faveur de M. de Sacy, avocat au Conseil

Brevet en faveur de

M. de Sacy, avocat au Conseil

Le dieu qui porte la marotte,

Seul protecteur de la Calotte,

À tous ceux qui verront ces vers,

Salut, et cerveau de travers.

Sur le rapport bon et louable

À nous fait par lecteur capable

De l'immense solidité

De certain ouvrage enfanté

En détail par l'un des quarante,

Et qu'en gros, sans notre patente,

Mouchette débite à juste prix

Sous le pavillon de Thémis,

Savoir faisons à qui désire

De nos sages décrets s'instruire

Que, trouvant le recueil susdit

Dûment pourvu de dive esprit

Dont nous jetons les étincelles

Dans les enfantines cervelles

Des élèves du Régiment,

Déclarons à tous hautement

Que nous prenons en conséquence

De sa très grande suffisance,

L'auteur et sa production

Sous notre ample protection.

Ordonnons à tous les critiques,

Écrivains francs et véridiques

Qui de médire font métier,

Au journaliste, au gazetier,

À tous faiseurs de vers en prose,

De tenir sur lui bouche close.

Leur défendons expressément

D'oser dire leur sentiment

Sur le susdit et ses ouvrages,

Sur ce, même des gens à gages

Et soudoyés pour maintenir

A présent comme à l'avenir

La bonne fame, la renommée,

Mainte famille diffamée

Dans certain factum que l'auteur

N'a pas écrit pour leur honneur.

Et pour preuves plus authentiques

De nos faveurs honorifiques,

Par dessus tout ayant égard

À notre sincère et sans fard,

Mis au bas de chaque mémoire,

Pour rendre son succès notoire

Nous l'avons sans retardement

Rappelé du bannissement

Auquel l'avions, vaquant le siège,

Avec tout le savant collège

Juridiquement condamné

Par édit fort bien raisonné.

Lui permettons, s'il le désire,

De quitter Montmartre et d'élire

Un domicile à volonté

Dans notre empire illimité,

À charge qu'on reconnaissance

Désormais et par préférence,

Qu'il consacrera ses talents

Au service du Régiment,

Ne prêtant plus son ministère

À l'infidèle dépositaire,

De crainte du mauvais succès

Qui pourrait s'ensuivre de près ;

Qu'il instruira notre jeunesse

En science de mainte espèce,

Lui montrera dans ses leçons

Comment on peut de cent façons

S'escrimer en style oratoire,

Composer factum ou mémoire

Dan un cas de nécessité,

Dresser en contre-vérité

Et sur le ton adulatoire

Une épître dédicatoire,

Faite à la tête d'un recueil

En termes dictés par l'orgueil,

De soi-même l'apologie.

Pour lui montrer l'énergie

Et le sens de ces mots pompeux

Abstrus, agrestes et ténébreux,

Grammaire instructive et commode

De tous les termes à la mode,

Sera faite par notre auteur.

Permettons à son imprimeur

D'en tirer autant d'exemplaires

Que les espaces sublunaires

Pourraient au juste les contenir

Afin du moins qu'à l'avenir

Le grand débit de cet ouvrage

L'un et l'autre les dédommage

En leur donnant de quoi payer

L'impression et le papier.

Et pour partager les fatigues

Des beaux emplois dont est prodigue,

Qu'il nous a plu le revêtir,

Nous avons cru devoir choisir

Pour son adjoint et son confrère

Le seigneur de la Gérondière,

À qui donnons la liberté,

En faveur de sa qualité,

De porter pendant la froidure

Velours génois, riche fourrure,

Habits joyeux, quand les zéphirs

Feront régner leurs doux soupirs,

Pleine licence de ce faire,

Porter la robe sans mystère,

Sans craindre les fâcheux hasards

Dans les promenoirs des guisards,

Mettant par nous sa Seigneurie

A couvert de la raillerie.

Car tel est notre plaisir.

Fait à Paris tout à loisir,

Dans nos fantastiques boutades,

Entre les sauts et les gambades.

Numéro
$4530





Références

Lille, BM, 65, p.109-16