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Brevet de vivandière du Régiment, en faveur de M. de Montempuis, ancien recteur

 

 

Brevet de vivandière du Régiment,

en faveur de M. de Montempuis, ancien recteur

Aymon allant faire revue

Pour le burlesque régiment,

S'en acquitte si dignement

Que Momus à chaque revue

Y trouve quelque accroissement.

Occupé de son ministère,

Comme un chat sans cesse aux aguets,

L'autre jour, ce rusé compère

Prit Montempuis dans ses filets ;

Montempuis qui, toute sa vie,

Partisan de la prudhomie,

Gardant son sexe masculin

Ne fit oeuvre de calotin ;

Pour métamorphose nouvelle

Du mâle devenu femelle

But à la santé de Momus.

Aymon, tout fier de son emplette,

De vivres n'aimant la disette,

Ni que ses soins soient superflus,

Aussitôt au conseil de guerre

Assemblé dans le champ de Mars

Le propose pour vivandière.

Bientôt les bataillons épars

En peloton se réunirent.

Claquant des mains, ils applaudirent

Au choix du général Aymon

Qui, requis par bienséance,

Mademoiselle eut la licence

De porter la barbe au menton.

Pour retenir à la raison

La jeunesse familière

Qui voudrait de la vivandière

User un peu trop librement,

Fut aussi fait un règlement

Pour publier de ville en ville

Qui défend à tout chansonnier

De jamais le calotiner

En virelai ni vaudeville ;

Qui supprime et condamne au feu

Certains couplets lancés contre elle

Contenant ainsi qu'un libelle

Un venin qui passe le jeu.

Momus tolère la critique

Qui d'agréables quolibets

Compose de gentils couplets,

Et non la verve satirique

Qui déchire les bons sujets.

Pour délasser la vivandière

De sa fatigue journalière

Elle eut aussi permission

D'aller à l'hôtel de Bourgogne

Faire sans crainte ni vergogne

Acte de composition,

Pour se recréer la visière

Aux lazzis des deux arlequins,

Avec défense au parterre

Fût-il rempli de calotins

De crier : à bas la cornette.

Là, curieux de tous ébats

Gens portant robes et rabats,

Femmes en coiffe et dagnolette [?]

Doivent rester en sûreté.

Pays où l'on paie à la porte

Est un pays de liberté !

Pères sages, on vous exhorte,

Ceci vous soit dit en passant,

Si vous possédez quelque enfant

Qu'éleviez de la bonne sorte

Pour l'installer au Régiment,

De l'envoyer là très souvent.

C'est en ce lieu que la jeunesse

Doit aller prendre sa leçon,

Au spectacle mieux qu'au sermon ;

On s'y corrige, on s'y redresse,

Comme nous l'enseignent fort bien

Les casuistes de la Calotte.

Aussitôt de la gent falotte

Le chef, le maître et le soutien,

Momus sur le champ de bataille

Arrive à force de relais,

Cherchant un rat de la taille

D'un âne de Mirebalais

Pour apposer sa signature

Aux patentes de Montempuis.

Après cela le dieu des ris

Se reguinguant sur sa monture

Pique des deux pour décamper,

Ce qui fut fait en pleine lune

Vers le milieu de février,

Un jour ouvrier, sur la brune.

 

Numéro
$4523





Références

Lille BM, MS 64, p.198-04