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Brevet de sergent de la brigade des parasites, en faveur du Sieur Dornel, organiste

Brevet de sergent de la brigade des parasites,

en faveur du Sieur Dornel, organiste

Nous, général du grand empire

Où règne un éternel délire,

Au corps parasite, salut.

C'est un corps pour nous d'importance,

Quoiqu'il soit ailleurs comme en France

Des repas choisis le rebut.

Or, voyant qu'il est nécessaire

De le protéger vivement,

Voulons que dans le Régiment

À toutes fêtes il puisse plaire.

C'est pourquoi nous délibérons

D'en faire une brigade aimable

Qui sache assiéger une table.

Pour la commander nous ferons

Officiers de toutes façons,

Mais notre finance épuisée

Ne nous permet quant à présent

Que de mettre en tête un sergent.

Dornel ayant la renommée

De se bien régaler sans argent

Et d'aimer la franche lippée

Doit avoir cette dignité,

Et sans que notre autorité

Ici s'amuse à la moutarde,

Nous lui donnons la hallebarde.

Voulons que comme bon sergent,

Pour récompenser son mérite

Sur la brigade parasite,

Il ait un pouvoir tout-puissant,

Comme plus grand antagoniste

Qui fut jamais de sens rassis.

Nous savons que cet organiste

Est déjà couché sur la liste

Des brigadiers des étourdis.

Mais ces emplois sont compatibles,

Même un sujet si turbulent

En pourrait bien remplir un cent,

Il les trouverait toutes possibles.

Cependant nous avons appris

Que certain quelqu'un faisant fête

De mener chez lui ses amis,

Pendant que le bourgeois s'apprête

A lui faire un galant cadeau,

Dornel par un tour nouveau

À ses convives fait entendre

Qu'il veut leur faire un bon festin

Dans la maison de son voisin.

Chacun dans ce lieu va se rendre.

Le repas est très bien servi,

L'invitateur est applaudi.

Enfin l'on découvre la ruse

Du faux traiteur qui s'en excuse.

Tout tourne à sa confusion

Et dans l'instant chacun s'empresse

De faire honneur et politesse

Au véritable amphytrion.

Le tour, selon nous, est burlesque.

Mais s'il eût choisi ses acteurs

Dans notre royaume grotesque

Il en eût reçu les honneurs ;

L'on eût admiré son adresse.

Dont lui faisons défense expresse

De fréquenter aucune gens

Qui seront pourvus de bon sens.

Lui permettons par tolérance

Et sans tirer à conséquence

De les fréquenter seulement

Comme bouffons, non autrement.

Au surplus, lui donnons licence

D'affronter comme un capucin

Petits repas ou grand festin.

Un cafard n'a qu'un camarade,

Mais par un amour singulier

Permettons à cet officier

D'y mener toute sa brigade,

De faire en entrant la gambade,

De rire sans savoir pourquoi,

Condition très nécessaire

S'il veut briller dans son emploi.

Nous lui donnons pour son salaire,

Pour prêt ou pour appointements,

Pour chaque mois quatorze francs

Assignés sur la discordance

Des musiciens chantant à jeun.

Il aura l'habit d'ordonnance

De couleur d'un beau rouge brun.

Nous bornons toute sa dépense

En décrottage de souliers,

Ne voulant pas que ses deniers

Se dissipent dans les buvettes,

Puisqu'il a les talents exquis

De chopiner partout gratis,

Faisant finement ses retraites.

Pour lui donner plus de renom,

Voulons qu'il ait des armoiries

Qui soient de rats les mieux fournies

Et qu'en outre son écusson

Soit chargé de notes jolies

Qui font résonner un flon flon.

Fait et donné dans le carême

De l'an mil sept cent trente-deux,

Ayant scellé gratis nous-même

Par un mouvement généreux

Les patentes du parasite

En mangeant une carpe frite.

Numéro
$4512


Année
1732




Références

Lille BM, MS 63, p.83-89