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Brevet de maître de danse et directeur des bals du Régiment pour le Chevalier Couvet, banquier

Brevet de maître de danse et directeur des bals

du Régiment de la Calotte

pour le sieur Le Couvet.

Au nom du dieu de la marotte,

Nous, officiers de la Calotte,

À tous sujets du Régiment,

Soldats marchant sous nos auspices,

Savoir faisons présentement

Que, pleins de droit et de justice,

Mais justice suivant Momus,

C’est-à-dire que, sans abus,

Nous nous rendons toujours propice

À tous ceux qui, suivant les us

De notre corps incomparable,

Voulant le rendre formidable,

S’enrôlent volontairement

Dessous notre commandement,

Faisant pour illustrer leur vie

Quelque belle et bonne folie,

Non point folie de faible aloi,

Chose indigne de notre loi,

Mais folie bien prépondérante

Dans sa valeur trébuchante,

Méritant d’emporter le prix

Sans refus, même sans réplique,

Sur ceux que l’on avait admis

Dans notre empire marotique

Qu’on fut contraint de dégrader

Et dans la suite de chasser,

Un chacun d’eux s’étant fait sage,

Malgré Momus et notre usage,

Ce qui força Messire Aymon

De signer dégradation.

Mais connaissant la suffisance

du noble chevalier Couvet,

Nous le créons par ce brevet,

Quoique banquier, maître de danse

Et directeur de chaque bal

Donné par nous en carnaval.

À tous sujets de la Calotte

Ledit pourra d’autorité

Entre Pâque et la Pentecôte

Donner bal avec sûreté,

Sans crainte que l’on en marmotte,

Où chacun entrera masqué

Afin que si quelque dévote

Ou fillette à légère cotte

Dessous l’art du déguisement

Veut s’y faire lever la jupe

(Invention non d’une dupe)

N’y soit reconnue nullement,

Soit coureuse ou gourgandine,

Ou bien vestales calotines.

Ainsi fera de son hôtel

Dans ce grand jour un vrai bordel.

Pour être de la compagnie

Un chacun aura deux billets

Portant son nom et deux cachets

Et contresignés par Célie,

Notre greffier universel

Et secrétaire perpétuel

De notre Régiment unique.

Là, violons de l’Opéra,

Même aux muses faisant la nique,

Croasseront en leur musique

Des sol, fa, sol, ré, sol, mi, la.

Des soldats garderons la porte,

Soldats qu’on nomme archers de nuit,

Crainte qu’une folle cohorte

Insolemment n’y fasse bruit.

Il fera dépense excessive

Pour tous les rafraîchissements,

Et sa belle imaginative

Lui coûtera vingt mille francs.

Or, content de cette dépense,

Nous lui donnons pour récompense

De tant de libéralités

Dix millions pour simples gages

Sur les danses que les nuages

Font dans les orages d’été,

Ou quand Éole fait ravage

Dans port, mer, banc, rade ou plage,

De même sur les mouvements

Que fait la girouette aux vents

Et sur les sons qu’une sonnette

Au col d’un âne ou d’un mulet.

Plus, donnons au dit sieur Couvet

Comme une marque de conquête

Pour couronner sa grosse tête

Quadruple calotte de plomb

Double médaille et grand cordon.

En outre, pour remplir sa banque,

Livrons à ce doux puéril

Les brouillards de mars et d’avril.

De crainte que les fonds ne manquent,

Lui donnons la commission

De donner bal à la Courtille

À nos Madelons la frétille,

Catin, Babet, Fanchon, Manon.

Fait la surveille de son bal

Par nous, officiers marotiques,

Qui dans nos esprits satiriques

Rions de voir un carnaval

Si bien formé peu après Pâque.

Gravé sur la table d’airain,

Écrit sur du cinabre fin,

Coupé, taillé, rogné en plaque

Pour éterniser son grand nom.

Signé de Saint-Martin, Aymon.

Numéro
$4477





Références

BHVP, MS 664, f° 90r-94r - Mazarine, 3971, p.192-200 - Bordeaux BM, MS 700, f° 350v-354r