Brevet de médecin empirique pour le Sieur Vinache
Nous, Général de la Calotte,
À toute gent porte-marotte,
Ouïs les médecins du Roi
Et du Régent, dont la doctrine
Est infaillible en médecine ;
Lesquels disent de bonne foi,
Que par le mercure aurifique
Et secret antimoniaux,
Vinache, célèbre empirique,
Chasse toute sorte de maux,
Et que malgré l’âge qui mine
Et relâche tous nos ressorts,
Son esprit, par vertu divine,
Ranime et rajeunit les corps.
À ces causes, voulons qu’on sache
Que nous créons ledit Vinache
Notre médecin de hasard,
Puisque les plus savants dans l’art,
Disent que l’eau de ses bouteilles
Opère de grandes merveilles.
Quoique ledit Vinache n’ait
Jamais pris chausse ni bonnet.
Consentons qu’à soixante et onze,
Cet habile fondeur de bronze,
S’enrichisse à fondre le sang.
Plus, pour répondre à l’aveu franc,
Que Dodart et Chirac, grands hommes
S’il en est au siècle où nous sommes,
Nous ont fait touchant ce fondeur,
Consentons encore de bon cœur
Qu’eux-mêmes avec industrie
Exercent l’art de fonderie,
Et s’y montrent à l’univers
Aussi savants que les Kellers.
Donnons pour profits et salaires,
Gages, pensions honoraires,
Audit Vinache chansons,
Louanges et panégyriques,
Et tous autres revenants bons
Dus à Messieurs les empiriques,
Et par-dessus, lui faisons don
De la calotte et du cordon.
Sous peine de prison obscure,
Où longtemps il pourrait coucher,
Lui défendons de rechercher
La fixation du mercure ;
Attendu que le Régiment
Doit toujours être en mouvement :
Témoins rats, souris, girouettes,
Papillons, grelots et sonnettes,
Desquels le salut et le los
Est de n’avoir point de repos.
Fait à Paris ce huit octobre
Avec l’aveu du Sieur Sidobre,
Qui, comme Chirac et Dodart,
Estime la pratique occulte
Dudit le médecin de hasard,
Auquel, encontre toute insulte,
Donnons brevet de notre main,
Torsac, Aymon et Saint Martin.