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Brevet de la Calotte qui honore le Sieur Dufour de l’emploi de versificateur du Régiment de la Calotte et le décore spécialement du titre de savant

Brevet de la Calotte qui honore le Sieur Dufour de l’emploi de versificateur du Régiment et le décore spécialement du titre de savant
De par le dieu porte-marotte,
Nous, Général de la Calotte,
Protecteur-né des beaux-esprits
Qui s’illustrent par leurs écrits,
Connaissant le rare génie
De Dufour pour la poésie,
Son goût marqué pour les brevets,
Les rébus et les quolibets,
Ravi de la délicatesse
De son savoir, de sa justesse,
Et le voir se livrer enfin
À notre style calotin
Qui seul mérite nos suffrages.
Vu le dernier de ses ouvrages
Où brille l’érudition,
Témoin cette citation
Très longue sur la gent toscane
Qu’il fait rimer avec campagne,
Ce fameux trait le dispensant
De rimer plus exactement.
D’ailleurs sa verve pédantesque
Nous paraît tenir du burlesque,
Et d’aussi sublimes écarts
Le garantissent des brocards.
De plus, instruit que cet ouvrage
Ne coûte au docte personnage
Que quatre mois à son phébus
De soins et travaux assidus,
De crainte qu’il ne se morfonde,
Voulons qu’en six mois il réponde
Au brevet que lui décernons,
Et si plus tôt nous apprenons
Qu’il fournisse quelque réplique
Sans que ce dernier trait le pique,
Nous déclarons qu’il ne l’a fait
Comme maints vers de son brevet,
Mais qu’en ses écrits il efface
Saint-Martin, sa femme et sa race,
Laurent Pipi… [sic] Non, telles gens
Ont droit de [?] son encens
Que dans peu cet esprit critique
Se voue à la troupe comique
Et qu’il s’applique incessamment
À faire briller son talent
Pour le triomphe de Thalie
Par une bonne comédie,
Lui donnant pour premier sujet
Un mari bénin et muet
Dont l’épouse prudente et sage
De ses appas a fait usage,
Et dont les lis déjà flétris
Font éclipser ses favoris,
Tandis que son époux commode
Croit toujours sa femme à la mode.
Tel sujet, de sa main traité,
Lui vaudra l’immortalité.
Invitons sa verve caustique
À répandre son sel attique
Sur cinq à six mauvais plaisants,
De son brevet froids partisans,
Ricaneurs, têtes peu falotes,
Trop indignes de nos marottes.
Voulant donc, de notre pouvoir
Couronner son profond savoir,
Vu de son esprit tant de preuves,
Du brevet les pensées neuves,
De notre pleine autorité
Pour prix de sa capacité,
De son phébus et de ses veilles
Qui produisent tant de merveilles,
Nous lui décernons par honneur
L’emploi de versificateur
Du Régiment de la Calotte,
Et nous décorons sa marotte
Du titre pompeux et ronflant
de Doctissime ou de Savant.
Nous lui donnons en conséquence
Inspection, surintendance
Sur tous auteurs, grecs et chinois,
Latins, espagnols, hibernois,
Rudiments, Talmud, polyglotte,
Sur Tite-Live et Don Quichotte,
Sur tout Elzevir walescan
Sur les almanachs de Milan,
Sur Griphuis, sur la Pucelle,
Richard sans Peur et sur Jodelle.
Nous mettons aussi sur son front
La triple calotte de plomb,
Dans ses armes trois girouettes,
Papillons, grelots et sonnettes.
Quel plaisir pour l’oncle Rosbif
Au front rude et rébarbatif,
Que son neveu, couvert de gloire,
Se place au temple de Mémoire.
Il le voit déjà triomphant
À la tête du Régiment.
À ses transports son âme en proie
Suffira-t-elle à tant de joie ?
Enfin, pour le combler de biens
Sur tous écrits turciniens
Qui sortent de dessous la presse,
Pour marque de notre largesse,
Nous lui donnons cent mille écus,
Sans qu’il appréhende un rébus
Du revenu de nos finances
Qui paiera sur ses quittances.
Fait chez Momus tenant sa cour
En faveur de son cher Dufour.

 

Numéro
$4168





Références

Lyon BM, MS 752, f°44r-45r