Calotte pour le poète Roy, ci-devant conseiller au Châtelet
Brevet de la Calotte pour le Sieur Roy portant permission d’établir
une académie pour enseigner le mensonge et la calomnie
aux Soldats du Régiment
Nous, Momus, dieu de la satire,
Sachant que dans l’art de médire,
Nul ne surpasse Maître Roy ;
Que personne ne met en doute
Qu’à l’honneur, qu’à la bonne foi
Il a toujours fait banqueroute ;
Que, tantôt fier, tantôt rampant,
Vice de sa tendre jeunesse,
Il a tour à tour du serpent
Et le venin et la souplesse ;
Qu’ennemi de la vérité,
Il ne cède point en malice,
En imposture, en artifice,
Au laquais le plus effronté.
D’ailleurs, ayant tout lieu de croire
Que son zèle pour notre gloire
L’a fait chasser du Châtelet
Et de maintes académies,
Où de plaire à de tels génies
Trouve-t-on rarement secret ;
Qu’il fût pourtant assez habile
Pour pouvoir seul avec succès
S’ouvrir à la Cour des accès
Qu’on lui refusait à la Ville.
À ces causes, voulant montrer
Combien nous savons honorer
Ce que méprise le vulgaire,
Et par combien de beaux endroits,
À la défense de nos droits
Ce personnage est nécessaire,
Lui permettons incessamment
D’établir une académie
Pour enseigner publiquement
Aux soldats de ce Régiment
Le mensonge et la calomnie.
Voulons qu’il puisse tous les ans
Pour récompenser ses talents
Et contenter son cœur avare,
Percevoir douze mille francs
Sur les ballets de Saint-Lazare ;
Et comme nous sommes d’avis
Que ceux qui nous ont bien servis
Ne nous fassent point de reproches,
Nous lui cédons tous les profits
Que nous retirons de nos coches ;
Item, pour avoir chaque jour
Appris aux dames de la Cour
À chanter comme des cigales,
Voulons qu’à ce titre d’honneur
D’unique et seul compositeur
Des ballets et fêtes royales,
Son dos pour n’être plus atteint
D’une grêle de coups de canne,
Puisse joindre l’ordre du Saint
Dont il a fait les caravanes.
Au surplus, nous lui faisons don
De double calotte de plomb,
Dont il a plus besoin qu’un autre.
Car telle est la volonté nôtre.
1754, V,17-19 - F.Fr.15016, f°143r-145r - F.Fr.25570, p.433-35 - Chambre des députés, MS 1441, f°49 - Grenoble BM, MS 587, f°137v-138v - Lille BM, MS 65, p.84-87
Selon Elliot Polinger (Pierre-Charles Roy, playwright and satirist, p.209-11) cette calotte aurait été rédigée par Voltaire en 1729 à son retour d'Angleterre, en réponse à une autre calotte de Roy dirigée contre lui ($4075)