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Brevet de grand crocheteur en faveur de l'abbé de Broglio

Brevet de grand crocheteur en faveur de l’abbé de Broglio

De par le dieu porte-marotte,

Nous, général de la Calotte,

À nos lieutenants-généraux,

Nos brigadiers et maréchaux,

Salut. Un abbé que Nature

Fabriqua d’acier et d’airain,

Vrai gladiateur en tonsure,

Moitié germain, moitié lorrain,

Nous ayant demandé des gardes

Dans quelques-unes de nos brigades,

Vu que, comme on a déposé,

Il aurait plié et fracassé

De grosses et lourdes pincettes

Comme de faibles allumettes ;

De plus, pris pour se divertir

Une cloche qui, sans mentir,

Pèse pour le moins demi-mille ;

Que la levant d’un air agile,

Son incomparable poignet

En aurait fait le moulinet ;

Sans parler d’un nombre incroyable

D’exploits pareils qui montrent bien

Que jamais bras, que jamais râble

N’eut tant de force que le sien.

Nous, donc, ainsi qu’il nous concerne,

Voulant de ce Samson moderne

Employer l’illustre talent,

Nous le nommons par les présentes

Grand crocheteur du Régiment

Pour toutes les choses pesantes.

Lui donnons par exclusion

Droit de porter munition

Autant de bouche que de guerre

Pour servir par mer et par terre

Comme bombes, mortiers, canons.

Pour le distinguer davantage

D’avec les bidets d’attelage,

Toutes fois que besoin sera

Conjointement il servira.

Faisons très expresses défenses

Aux mules de notre dépendance

D’aucunement le molester,

Mais en bon frère le traiter.

D’ailleurs, comme sa main sans cesse

Estropie par gentillesse,

Témoin un honnête curé

Et certain mentor suranné

Qu’avec sa caresse mignonne

Il fit courir aux Miramionnes,

À la charge de crocheteur

Joignons celle d’exécuteur,

Pour châtier par l’estrapade

Tout forfait et toute incartade.

Pour gager il pourra toujours

Agioter avec pédance [sic]

Et faire capot l’innocence

Par mille et mille jolis tours,

Intriguer, ruser, médire,

Tout comme s’il était de rire.

Pour faire rendre un juste honneur

À son poignet, à sa vigueur

Tant sur les ports que dans les halles

Par tous charretiers et porteballes,

Qu’il porte notre grand cordon,

La calotte et le médaillon,

Et tout le harnais symbolique

De cervelle paralytique.

Fait au château de Jolichamp,

Le 16 du mois courant.

Numéro
$4476





Références

Lille BM, MS 62, p.237-42