Brevet de démonstrateur du jeu d'échecs pour Guiscart
De par le Dieu porte-marotte,
Nous, Général de la Calotte,
Pour accroître le Régiment,
Et gratifier le talent
De Guiscart, dont le grand génie
Sait avec adresse infinie
Lutter envers et contre tous
Au jeu d’échecs, sachant des coups
Dont il retire grande gloire,
Quand même il n’aurait la victoire,
Vu sa grande application
À faire sa combinaison,
Même avant de voir la tablette,
Noble champ de ce digne athlète,
Qui, pour jouer chaque pion,
Fait si longue réflexion,
Ou pour mieux dire rêverie,
Qu’il s’endort et perd la partie,
N’en accusant que le hasard,
Qu’il dit avoir bien plus de part
Dans ce combat que la finesse
Qu’on voit en lui briller sans cesse.
À ces causes, vu son ardeur,
Nous le créons démonstrateur
De ce beau jeu, si nécessaire
Pour enseigner l’art militaire
À tous nos braves calotins.
Les exhortons soirs et matins
D’étudier cette science,
Pour rappeler la suffisance
De ces terribles héros grecs,
Qui par ce jeu rudes échecs
Surent donner à ceux de Troie,
Et les firent bientôt leur proie.
Avertissons le dit Guiscart
De se rendre un peu l’œil hagard,
Et surtout la mine sévère,
Aux professeurs si nécessaire,
Et conserver par rareté
Leur belle taciturnité.
Pour récompenser sa science,
Et sa profonde suffisance,
Lui décernons le grand cordon
Et double calotte de plomb.
De plus, par faveur singulière
Permettons qu’à sa boutonnière
Soient appendus deux médaillons
Semés de fous et de pions.
Pour son salaire on lui assure
Que tout marqueteur et tourneur
Lui conservera la rognure
De l’ivoire, dont la blancheur,
Convertie en beau noir d’ébène,
Sera vendue chèrement
À nos peintres du Régiment,
Dont l’art avec bien moins de peine,
Brillera dessus les canons
Traînés devant nos bataillons.
Plus, commandons à tout cornette,
D’un jeu d’échecs faire emplette,
D’apprendre méthodiquement
À jouer taciturnement.
Invitons la belle jeunesse,
Pour s’acquérir un grand renom,
De jouer aux échecs sans cesse.
Signé Torsac, Martin, Aymon.