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Brevet de chevalier des latrines du Régiment de la Calotte accordé par Momus au Sr de Serre, mauvais poète et très mauvais musicien

Brevet de chevalier des latrines du Régiment de la Calotte, accordé au Sr de la Serre, chevalier de Saint-Jean de Latran,

mauvais poète et très mauvais musicien

Sur le rapport qu’on nous a fait

Que notre bien amé de Serre,

Désirait patente et brevet

Pour être mieux connu sur terre.

À ces causes, nous permettons

Qu’il ait des lettres authentiques

Et que, parcourant nos cantons,

Il en connaisse les rubriques.

Par notre pouvoir calotin

Et le crédit de ma marotte,

J’enrôle un chevalier romain

Au Régiment de la Calotte ;

Quand je dis chevalier romain,

J’entends de Latran ou Latrin

 – Disons trine pour le vulgaire –

Portant papier peint au Saint Père

Quand il veut aller à la chaire,

Non pas chaire de vérité,

Mais chaire de commodité.

Quant à l’autre chevalerie

(Tel fut le brave Scevola

Quand il réduisit Porenna

À laisser en paix l’Italie.)

Nous voulons qu’il en soit déchu

Et que désormais on ne die

Que le chevalier Torchecul.

Or, pour le rendre encore plus digne

Et pour qu’il n’ait aucun refus

De notre Régiment insigne,

Il faut réformer les abus

Qui pourraient parfois l’en exclure ;

Car notre crédit serait vain

S’il arrivait par aventure

Qu’il voulût faire le mutin.

Or donc, quoi qu’il die ou qu’il fasse,

Nous lui défendons de rimer,

Quand même le dieu du Parnasse

De son feu voudrait l’animer.

Mais comme du dieu qu’il barbouille

Il ne fut jamais caressé,

Nous voulons que s’il le gazouille,

Il soit hué, berné, chassé.

Nous voulons encore, pour le rendre

D’esprit et de corps aussi sain,

Qu’aux concerts qu’on nous fait entendre

Il n’ait jamais, même en main. [sic]

J’entends la plus vive musique

Devenir froide, sèche, étique,

Quand il en conduit le dessein,

Lorsqu’attiré par la fumée

(Bien plus que par la renommée)

De quelques morceaux délicats

Il s’invite dans le repas.

Nous réformons toutes les mines

Qu’il nous a montrées mille fois ;

Que, s’il veut les faire parfois,

Qu’il s’en aille dans les cuisines

Faire bâiller tous les valets

Qui le mettront dans les latrines

Avec cinquante camouflets.

Ces abus étant réformés,

Que votre général s’avance,

Que les calotins renommés

Viennent ici prendre séance.

Agréez le fameux brevet

Que j’accorde au nouveau confrère.

Pour le rendre plus satisfait

Nous voulons que comme au Saint Père

Il vous frotte à tous le derrière ;

Qu’il conserve la qualité

De Torchecul de la Calotte,

Et que sous ce nom si vanté

Il soit en tous lieux respecté

Sous l’enseigne de ma marotte.

Enfin, comme ce talent

Est si digne de récompense,

Il aura par préférence

Six mille livres par an,

Libres de toutes dettes,

Sur les parfums des cassolettes

Que conduisent les gadouards.

La pension sera payée

Sans difficultés, ni retards

A la fin de chaque journée.

Donné dans le champ de Charmeil,

Tout au-dessus de la terrasse,

Après le coucher du soleil,

La lune montrant demi-face.

Numéro
$4351





Références

Clairambault, F. Fr. 12701, p. 39-42 -  F.Fr.12655, p.1-4 -  F.Fr.25570, p.681-684