Brevet de chef des mécontents pour le Sieur du Quesnoy
Brevet de chef des mécontents pour le Sieur du Quesnoy
De par le dieu porte-marotte,
Nous, Général de la Calotte,
Pour empêcher qu'injustement
Nul n'entre en notre régiment
Et gouverne troupe ou brigade
Qui ne soit digne d'un tel grade,
Nous prendrons grand soin désormais
De ne recevoir aucun maître,
À moins que par de nobles traits,
Il n'ait bien mérité de l'être.
Sur ce, informé publiquement,
Que le Sieur du Quesnoy, trop sage,
Même du temps de son jeune âge,
Aurait agi très prudemment,
tant à refuser hyménée,
Qu'à grossir son fonds chaque année
Pour vivre exempt de tout chagrin,
Se piquant de la seule affaire
D'avoir toujours à l'ordinaire
Maîtresse jolie et bon vin.
Cependant, comme l'âme humaine
Revient toujours à son penchant,
Et que Folie est une reine
Que tout homme va recherchant,
Apprenant par la renommée,
Que ledit sage du Quesnoy
Qui méprisait comme fumée
La gloire de servir le roi
Dans un office d'importance,
Maintenant mû de repentance,
Achète par grâce et faveur,
La charge de grand receveur
Et général de ses finances
Six cent soixante mille francs,
En louis d'or tous trébuchants,
Et non sujets aux empirances,
Mettant cette réalité,
Au-dessous de la qualité
Qui donne recette royale
Alternative et générale
Du beau pays de Montauban ;
Et que, plus fier que n'est le paon
Qu'il porte dans ses armoiries,
Il se moque des railleries
Qu'on lui fait sur l'ambition
D'être homme de distinction
Par l'achat de charge brillante ;
Que de même, il voudrait encore
Prendre une épouse au poids de l'or,
Qui, par une humeur trop galante
Ou par un esprit malfaisant,
Deviendrait un fardeau pesant.
À ces causes, vu la noblesse
De génie, et la hardiesse,
Qu'a fait voir le Sieur du Quesnoy
Pour devenir homme du Roi
Et le servir dans les affaires,
Que par un sage maniement
Le Sieur Law a rendues si claires ;
Voulons que dans le Régiment,
Il puisse par prérogative,
S'assurer de l'expective
D'être un jour Chef des mécontents
Tout ainsi que des repentants,
Brigade et cohorte nombreuse,
Aux airs sombres et soucieux,
Portant le chagrin dans ses yeux
D'avoir aimé viande creuse.
Voulons que ledit du Quesnoy,
En attendant ce haut emploi,
Puisse porter double calotte.
Sous sa perruque en papillote,
Et notre cordon sur le dos,
Avec sonnettes et grelots.
Lui donnons pour profits et gages
Mille écus sur les affinages
Qu'un ministre fait chaque jour
Avec eau bénite de cour.
Voulons qu'à compter des présentes,
Il jouisse desdites rentes,
Et qu'il soit regardé de tous
Comme étant déjà parmi nous.
Fait le jour que chez son notaire,
Poussé par un généreux rat1
,
Ledit Sieur signa le contrat
Pour se distinguer du vulgaire
Et donner du lustre à son nom.
Par nous, Torsac, et moi, Aymon.
- 1On dit figurément et familièrement, Avoir des rats, avoir des rats dans la tête, pour dire, Avoir des caprices, des bizarreries, des fantaisies. Il lui passe tous les jours des rats dans la tête. (Acad.)
1725, I,70-73 - 1726, 67-69 - 1732/1735, I,72-74 - 1752, I,72-74 - F.Fr.9353, f°66v-67v - F.Fr.15016, f°257r-260r - F.Fr.20036, p.94-98 - F.Fr.25570, p.196-199 - Arsenal, 3359, p.103-106 - BHVP, MS 663, f°102v-106r - Institut, 647, f°125r-127v - Grenoble BM, MS 587, f°40v-41v - Lille BM, MS 63, p.113-119 - Lyon BM, MS 750, f°227v-228v - Lyon BM, MS 751, f°71v-72v - Lyon BM, MS 754, f°46r-47v