Bref de chef de la musique au prince de Conti
Brevet de chef de la musique
au prince de Conti
De par le dieu porte-marotte,
Nous, général de la Calotte,
À tous gens d’érudition,
Salut et jubilation.
Informé par le consistoire
Que gens d’épée et d’écritoire
S’étaient érigés depuis peu
À traiter nos lois comme jeu ;
Que contre raison et justice,
Prenant pour guide leur caprice,
Ils s’emparaient des charges, rangs,
Souvent en dépit du bon sens ;
Qu’avec eux s’était mis un prince
Dont certes l’esprit n’est pas mince,
Mais duquel le corps contrefait
Fait voir d’Ésope le portrait,
Dont l’estomac est une poche
Qui rend par hoquet le matin
L’affreux venin que la La Roche
A versé la veille en son sein,
Faisant à tous venants la nique
Pour bien déchiffrer en musique
Avec sa flûte dont le son
Ressemble au sifflement d’oison.
À ces causes rendant justice,
Voulant le pourvoir d’un office
Qu’il puisse exercer dignement
Dans notre fameux Régiment,
Ordonnons que sans plus attendre
On le fasse au plus tôt descendre
Du rang où par distraction
Il s’était mis en rang d’oignon ;
Lui donnons pour son domicile
Comme chose à l’État utile,
Une lorgnette à l’Opéra,
Où, suivant son degré, jugera
Avec un pouvoir despotique
De tous concerts, ballets, musique,
Soumettant à son jugement
Même celle du Régiment.
Voulons que tous mélophilète
Harmonophile, audiphilète,
Prenant de lui seul un visa
Joue en dépit de l’Opéra.
Ordonnons qu’il ait pour ses gages
Cent mil écus sur les plumages
Des corbeaux bons aux clavecins,
Sur les carillons et tocsins
Dont la présente ordonnance
Sera payée par préférence
Sans souffrir diminution
De future succession
D’une grande fille trouvée
Qui par lui fut légitimée.
Donné dans notre tribunal
Neuf ans après que Maurival
Passa près le cheval de bronze
Un matin entre dix et onze.
F.Fr.9353, f°181v-182v - Lille BM, MS 62, p.408-12
$4100 en est une autre version, qui diverge pour presque la moitié du texte.