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Brevet de bedeau du régiment en faveur du S. Porqui, auteur du Bureau typographique

Brevet de bedeau du régiment en faveur du S. Porqui,

auteur du Bureau typographique

J'entends vos cris, ombre aussi redoutable

Que d'un dévot la fureur implacable.

Jusqu'à mon trône il a su pénétrer.

De vos transports calmez la violence,

Je vais répondre à votre impatience,

Mânes d'Aymon, cessez de murmurer.

Mille sujets dignes d'une calotte

Depuis longtemps en vain me font leur cour.

Oui, j'en rougis. Eh bien, ombre falotte,

Fixons leur sort, et d'un coup de marotte

D'un triste oubli tirons-les dans ce jour.

Mais pour garder une juste balance

Dans les bienfaits qui sur eux vont couler,

Esprit d'Aymon, habile à démêler

Le vrai du faux, jugez la préférence

Entre tous ceux que je dois enrôler.

Je m'abandonne à votre intelligence,

Sur votre choix le mien va se régler.

Prêt à donner sa joyeuse audience.

Aini parlait le dieu Momus un jour,

Lorsque, parmi la foule de sa cour,

Il aperçut du Mercure de France

L'ingénieux et délicat auteur

Qui par la main conduisait l'inventeur

D'un instrument de nouvelle fabrique,

Instrument propre à rendre un embryon

En moins d'un an plus poète que Varron.

D'un oeil riant le dieu vers eux s'avance

Et d'un baiser marquant d'abord son choix :

Chers calotins, est-ce vous que je vois ?

Âme d'Aymon, je sens votre présence,

S'écria-t-il, c'est à vous que je dois

L'heureux hasard d'une telle occurrence.

Peuple soumis à mes comiques lois,

Poursuivit-il dans un profond silence,

Écoutez-moi pour la dernière fois.

De ce grand homme, unique en son espèce,

Montrant du doigt l'inventeur du Bureau,

Récompensons l'industrieuse adresse.

À ses travaux est dû le premier lot.

Depuis longtemps il est sur notre liste.

À son illustre et chaud panégyriste

Nous donnerons après sa part du gâteau.

Dans les forêts de mon vaste domaine

Lui promettons de couper cèdre, ébène,

Sandal et bois encore plus précieux

Pour fabriquer ses bureaux curieux,

Ce néanmoins sous cette charge expresse

D'en placer un dans notre cabinet,

Un dans celui d'une certaine altesse

Qui par nos soins et nos avis s'est fait

Un revenu bien moins loyal que net

Sur le produit d'une boule traîtresse.

Un autre encore, il faut le dire enfin

Chez notre féal et cher Saint-Martin.

Au magasin de nos cartes très fines

Lui donnons droit de prendre chacun an

Sizains choisis jusqu'à mille fois cent

Pour composer ses leçons enfantines,

Le tout gratis, mais pourvu toutefois

Que D. Talnalk en ait au préalable

Profusion pour désigner les croix

Dont il se sert à conjurer le Diable.

On entendit alors de toutes parts

Des cris confus qui répétaient sans cesse :

Règne à jamais sur l'aimable jeunesse,

De nos enfants les cent climats épars,

Ces ennemis de la molle paresse ;

Du Régiment qu'il soit fait maître ès arts.

Soit, répliqua le diable de Folie,

Presque jaloux d'une telle saillie,

Grand maître ès arts, magister et recteur,

Nous lui donnons ces titres de bon coeur.

Il conduira la nombreuse brigade

Des faux savants, cuistres, docteurs, pédants,

Qu'on voit ici pulluler tous les ans.

Enfants perdus par plus d'une brigade,

Célébrez tous sa gloire et ses talents.

Aux premiers-nés des fécondes vestales

Il apprendra l'usage du Bureau.

Pour enseigner ce geai qui n'est pas sot,

Au lieu d'aller s'établir sous nos halles,

Dans mon palais lui cédons quatre salles

Que nous ferons tapisser d'oripeaux,

Pourvu qu'au moins en chaque jour de fête

Il veuille bien, comme Momus l'en prie,

Par charité, donner à Saint-Martin

Quelques leçons de grec et de latin,

Et tous les mois exercer ses lorgnettes

Dans cet endroit comme les maisonnettes.

Où trouverai-je assez d'émoluments

Pour attacher à des emplois si grands ?

Cher trésorier, ce soin-là vous regarde.

Mais votre cause est mince et je n'ai garde

De l'assigner sur un fonds incertain,

Et j'aime mieux dire en franc calotin :

Parlez de moi comme on parle des princes

Qui sans pitié surchargent leurs provinces,

Y suppléer par des impôts nouveaux

Que de laisser sans fruit tant de travaux.

Donnons-lui donc sur les paradigmes,

Les comédies, logogryphiques énigmes,

Sur chaque levain, enseigne et paravent

Sur tout grimoire, affiche et talisman

Dix sols tournois, a, b, cédique

Et joignons-y la science algébrique

Aliénons-les ; cédons lui nos droits

Sur les écrits et centuries

Du grand devin mort ès champs salonois

Et sur les vers farcis de rêveries

Qu'exprès pour lui nos sybilles asservies

Dans leur délire ont produit autrefois

Car certains jeux, tels que le solitaire,

Celui de l'Oie, échecs, trictrac.

Rétablissons pour ce l'hypographaire,

La Diane éteinte, la mort de Torsac.

De nos bienfaits ouvrons un nouveau sac.

Paix là, causeurs, à ce don magnifique

Prêtez l'oreille, et qu'en son almanach

Chacun en fasse une note authentique.

Et toi, greffier, es-tu paralytique ?

Écriras-tu, singe du vieux Pibrac ?

Tous les porteurs de lanternes magiques

À peine d'être bannis et saisis

En nul endroit n'ouvriront leur boutique

Qu'en lui payant quatre sols parisis.

De Danaeus et de chaque intermède,

De ce poème amphibie et charmant

Lui concédons douze dogmes par an

Pour en user comme d'un grand remède

Quand il voudra se rafraîchir le sang.

Lui transportons l'entière deshérence

De tous les biens du merveilleux Le Rat

De ses tableaux donc avec l'opéra

J'ai démontré la ressemblance.

Plus l'intérêt d'un quart pendant vingt ans

Dans le traité que nous entendons faire

Du beau secret de noircir les gens

Et d'enlever les chairs surnuméraires

Qui sur le dos vient souvent aux enfants ;

Par le produit des justes remontrances

Du corps fameux qu'un despotisme outré

De jour en jour avilit à son gré.

Comblons enfin ces revenus immenses.

Du grand Porqui ai-je assez mérité ?

Oui, songeons donc à son associé.

Qu'en ferons-nous ? c'est ce qui m'embarrasse.

Le ferons-nous traiteur du Régiment ?

À son goût on devrait cette place

Mais un prélat la brigue fortement.

Le ferons-nous grand fripier ordinaire,

Suivant ma cour ? Non je ne le puis pas,

Car Pitaval à qui ma gloire est chère

Malgré Momus pourrait bien en ce cas

De cette charge aux siens héréditaires

Rrevendiquer le titre en plein état

Et débusquer le récipiendaire.

Ombre d'Aymon, qu'en ferons-nous enfin ?

Je l'ai trouvé : notre premier menin.

Oui, mais Dornel court après ce haut grade

Comme abbé, faut après grade de pommade. [sic]

Du Régiment faisons-le le bedeau.

Au lucratif cet emploi joint le beau.

Il aura droit d'arrêter les missives

Que contre lui lâcheront ses rivaux,

Et plein pouvoir en faveur des badauds

De courir sus aux pièces fugitives

Des jeux floraux du palinod de Caen.

Pour enrichir cet excellent volume

Qui tous les mois sort de sa docte plume,

Nous lui cédons [ill.]

Sur le marché fait par l'académie

Et consenti par les comédiens,

Marché qui vaut seul dans la comédie

Et dont minute est restée en nos mains

En cas qu'on pût en perdre la copie.

Voulons qu'il ait un double pot de vin,

Qu'arbitrera le prudent Saint-Sevin,

Du superflu de la riche dorure

Du char superbe du nouveau Phaeton

Un sénateur à mine louche et dure

Ces jours passés s'est fait siffler, dit-on,

Nous lui donnons la confiscation

De l'hélicon. Malcrais la regratière

Consentira, car je m'en flatte aussi

Que de Pégase, avec le fier Boissy

Ce candidat partage la litière

À ses profits du ballet des cinq sens

Nous ajoutons encore le bon sens

De ce chef-d'oeuvre archinéologique.

Lui déléguons la brillante musique

Et droit au tact avec le vieux Campra

Sur les tendrons et nymphes de l'Opéra.

Momus se tut, de sa dive marotte

D'un air badin trois fois il les toucha.

Toute la cour aussitôt s'écria :

Vive ce couple, honneur de la Calotte !

Vive à jamais l'auteur original,

De ces adages écho grammatical,

Vive l'auteur de l'amusant Mercure

Ici finit l'histoire et ma peinture.

Numéro
$4527





Références

Lille BM, MS 64, p.442-45


Notes

Confuses et bavardes digressions sur des thèmes d'actualité