Brevet au Sr Roy pour la charge de balayeur du Parnasse.
Brevet au sieur Roy
pour la charge de balayeur du Parnasse
La troupe calotine entière
Offrait à Momus sa prière
Quand des dieux le plus plaisant
Parut d’un air complaisant,
Portant en main sa marotte,
Révéré de la gent calotte.
Pour faire l’arrière du Régiment
Il demande avec empressement
Les noms des officiers qui le composent,
Tant subalternes que généraux,
Et toutes les différentes choses,
Comme métier et art libéraux
Employés pour l’ornement et soutien
De tant d’illustres et sages faquins.
N’y trouvant pas le fameux Roy
Qui, pour certains cas de choix
Et pour l’avoir dès longtemps mérité
Est à Saint-Lazard enfermé,
Il s’estomaque et se récrie
Jusques à entrer à furie,
Ayant mainte satire à faire,
Pour reprendre dans l’univers
Et qui ne peuvent être faites
Que par cet insolent poète.
Je l’aime pour déshonorer femmes
Par des libelles infâmes,
Pour faire sentir en bons quartiers
De froids quolibets sans nécessité,
Pour juger les juges en souverain,
Leur reprochant les défauts humains
Et autre curieuse impertinence
Qu’il a le don de faire avec licence
Sans respecter aucune loi,
Pas même celle des rois.
Enfin, un autre l’Arétin
Par sa langue et par sa main.
Quelle perte, dit le dieu des fous,
Troupe, n’en soyez point jaloux,
Je veux ravoir cet homme
Dont l’esprit est tout ainsi comme
Le requiert l’emploi à lui destiné
Par notre digne souveraineté
De balayeur du Parnasse.
Et pour spéciale grâce,
Ayant entendu témoignage
De certain docte personnage,
Qui, de sa bravoure extrême,
Font un éloge suprême,
Voulons qu’au sortir de captivité
Il exerce à perpétuité
La charge très importante
De fanfaron, et qu’il tente
Dans tous les endroits dangereux
Qu’au contraire il soit [ill.]
De pouvoir se tirer les brayes nettes
En répétant quelques sornettes.
Fait en notre suprême conseil
Vu de nos yeux, ouï de nos oreilles,
Du consentement d’Apollon
Signé Momus, plus bas Aymon.
BHVP, MS 664, f°129r-131r - Bordeaux BM, MS 700, f°400r-401v