Brevet à M. d’Ombreval
Brevet à M. d’Ombreval
De par Momus le Souverain,
Régnant sur tout le genre humain,
N’ayant que cette différence
Entre l’éclat et le silence,
À tous Calotins, nos sujets,
Tant ceux parés de nos Brevets,
Que ceux dont faits valent patentes,
Savoir faisons par ces présentes,
Qu’un d’eux, Ministre très censé,
Dignement calotinisé,
Avait désobéi de sorte
Qu’en fraude aurait mis à la porte,
Chassé, renvoyé comme un sot,
Un maître archer, nommé Ravot ;
Coup qu’il a fait à la sourdine,
En l’absence de sa cousine,
Pour pouvoir mieux, en singe ingrat,
Éviter la patte de chat.
De Ravot sachant le mérite,
Sachant qu’en la place qu’il quitte,
Étant mis par les cotillons,
En grand crédit chez les Bourbons,
Il tapissa Paris d’affiches,
D’ordonnances en termes riches,
Quoique sans exécution.
Plus, qu'à sainte procession,
Il fit ranger la populace,
Faisant voler chapeaux, tignasse,
Si bien que lui seul en fit plus
Que n’en firent ses pousse-culs
Et parut valet à tout faire
À Condé qui, pis que corsaire,
Des badauds qu’il veut mettre nus,
Ayant vendangé les écus
Pour grappiller jusqu’à leurs mailles,
Tira Ravot de ces canailles,
Et sous prétexte de moisson,
Lui fit vendre chère farine
Pour habiller Reine de son,
Dont Paris faisant grise mine,
Songeait presque à braquer tison
Sur la Royale Garnison.
Vol demi fait, Duc s'en retire.
Ravot en est si bien le Sire,
Qu’il a craint sérieusement
Le feu follet du Parlement.
À ce trait, qui vaut tous les autres,
Jugeant Ravot digne des nôtres,
Pour consoler le mécontent
Et le guerdonner dignement,
Le commettons à la police
De la Calotine Milice.
Non comme sage souverain,
Étant meilleur homme de main,
Mais, comme argousil de galère.
De battre aura le ministère,
Et lui donnons pour pension
Des Catins à discrétion,
Dont il pourra, par privilège,
Soutenir le mauvais manège,
Croyant par là lui donner tout,
Car de Ravot tel est le goût.
Pour le ministre en léthargie,
Si le peuple lui prête vie,
Lui commandons au premier jour
De comparaître en notre cour,
Pour y faire amende honorable,
Plus sincère et plus véritable,
Qu’il ne la fit à tout Paris
Par les prônes qui s’y sont dits.
Signé le Roi de la Marotte.
Scellé du sceau de la Calotte,
Le Secrétaire étant fâché,
Car il revenait du marché,
Ne voulut mettre signature
Au bas de pareille écriture.
1732/1735, III,15-18 - 1752, III,15-18 - F.Fr.9353, f°309v-310v - F.Fr.12785, f°44r-47r - F.Fr.15016, f°49r-52r - F.Fr.25570, p.373-375 Nouv.Acq.Fr. 2485, f°166r-167r - Arsenal, 2935, f°245r-246v - Arsenal, 3128, f°249v-250r - Arsenal, 3359, p.188-90 - Arsenal 4844, f°219r-219v - BHVP, MS 663, f°135v-138v - Bordeaux BM, MS 700, f°205r-208r - Grenoble BM, MS 587, f°122r-123r - Lille BM, MS 65, p.13-18