Brevet à M. d'Ornel, organiste
Brevet à M. d'Ornel, organiste
De par Momus, père joyeux,
Dont les ris badins et les jeux
Font un de leurs dieux tutélaires,
Patron des gens facétieux,
Souverain des cerveaux hilares,
Par un ordre très solennel
Nous défendons au Sieur d'Ornel
De quitter son grenier aux flûtes,
Ne fût-ce que quelques minutes,
Pour aller comme un courtisan
Souhaiter bon jour et bon an,
Selon la coutume gênante
Chez amis, parents ou parentes.
L'onzième jour, à lui permis
Dans le temps le plus convenable,
De visiter grands et petits,
D'aller même se mettre à table
Chercher vins frais et bons morceaux
Dans la maison des grands Pageaults,
Y folâtrer, badiner, rire,
Et dire tout ce qu'on peut dire
Pour déranger le sérieux
Des sénateurs les moins joyeux,
Bref, du plus plaintif Héraclite
En faire un joyeux Démocrite;
Et le tout pour s'entretenir
Dans sa gaieté naturelle.
Car tel est notre bon plaisir
Et notre volonté réelle.
Donné le premier de janvier
Où l'on dit mainte baliverne,
Sur la fin du dernier quartier
De la lune qui nous gouverne.
Signé Momus, plus bas, Aymon.
BHVP, MS 66, f°1r-1v - 1754, V,143-44 - Lille, BM, 63, p.83-89