Arrêt du Régiment de la Calotte
Arrêt du Régiment de la Calotte
Comme ainsi soit que par les astres
On peut prédire les désastres
Et prévoir la pluie et les vents
Avec le bon ou mauvais temps,
À ces causes l’astrologie,
Cette naturelle magie,
Méritant notre attachement,
Voulons qu’en notre régiment
Les astrologues en brigades
Jouissent de tous rangs et grades,
Pensions, salaires et fruits
Ut qui dominantur astris.
Mais à cette fin que l’on sache
Que la même main qui s’attache
À récompenser sait punir,
Nous ordonnons qu’à l’avenir
Le conseil ne puisse commettre
À la garde du baromètre
Que gens qui soient de bonne foi.
D’autant que, dans un tel emploi,
On peut imposer au vulgaire,
Comme Bulliot le vient de faire
En gageant qu’il pleuvrait toujours,
Et ce pendant quarante jours,
Afin que le peuple crédule
Qui donne dans le ridicule,
De crainte de mourir de faim,
Se pressât d’acheter du grain
Dont ledit Bulliot et sa bande
Avaient provision très grande,
Achetée en papiers tournois
Pour revendre en argent de poids.
Ce qui tenant du monopole,
Et démonstrant prédiction
Beaucoup plus maligne que folle
Mérite animadversion.
Ce pourquoi, de notre milice
Nous expulsons honteusement
Ledit Bulliot qui, par malice,
A mis en jeu le firmament,
Comme pour le rendre complice
De sa criminelle avarice.
Consentons qu’on vide les seaux
Et baquets à vilaines eaux
Sur sa belle et blonde perruque,
Afin que des pieds à la nuque
Plus mouillé que n’est un barbet
Tout notre régiment le fuie,
En lui donnant le quolibet
De Bulliot surnommé la Pluie.
Plus, par un châtiment complet,
Voulons qu’après un grand soufflet,
Il n’ose rien faire et rien dire
Et que s’il intente un procès
Le juge n’en fasse que rire
Et le condamne encore aux frais.
Arsenal, 2935, f°199r-200r - Grenoble BM, MS 587, f°118 - Lille BM, MS 62, p.243-47