Arrêt de Momus au sujet du chaperon
Arrêt de Momus au sujet du chaperon
Momus, par ordre du destin,
Roi de l’empire calotin,
À toutes cervelles timbrées,
Têtes contre bon sens cabrées,
Du Régiment chef et soldats,
Tant vivandières que goujats,
De par le grelot despotique,
Salut et santé lunatique.
Considérant que nos lutins,
Pères des plus grands avertins,
Et ferme appui de notre trône,
Occupés à suivre Bellone,
Nous procurerons tout l’été
Académique oisiveté,
Symptôme sûr de la ruine
De tout corps, de toute machine,
Par l’avis de notre Conseil
Pour nous garantir du sommeil
(Toujours notre puissance en vue)
Voulons faire exacte revue
De nos sérieux calotins,
Bataillons noirs et rats robins,
Et pour que chacun s’y pavane
Dans le froc de sa caravane,
Marqué de sa distinction,
Divis et sans confusion,
Nous avons, par des mains actives,
Compulsé nos vieilles archives,
Titres, enseignements, papiers.
Sur le rapport des chartriers,
Après une longue séance,
Le tout pesé dans la balance,
Qui n’admet que des poids d’argent
Et dont le fléau chancelant
Suit toujours de l’aimant femelle
L’attraction sûre et fidèle,
Avons ainsi réglé les rangs,
Et les distinctifs différents.
Après les chefs, dont l’uniforme
N’est point sujet à la réforme,
Les noirs et nombreux escadrons
De nos modernes Cicérons,
Vêtus de la docte soutane,
Symbole ami de la chicane,
Marcheront à pas mesurés,
Les uns riants, calamistrés,
Les autres à faces austères,
Sourcils noirs, hagardes paupières,
Tous sur l’épaule porteront
Un étroit et noir chaperon ;
Marque honorable et nécessaire
Pour constater le caractère
De la plupart des Cicérons,
Et les distinguer des L…
Des bords du sombre hiéroglyphe
Sortira la peau d’un chat blanc ;
De l’animal la double griffe
Agrafera l’affublement ;
L’hermine sera mouchetée
De gros rats pesants, bruns et gris,
La double couleur affectée,
Comme nuance des esprits,
Et pour exprimer tous les charmes
Et l’art du langage éloquent.
Telles éclateront les armes
Du corps qui ses paroles vend :
L’écu de sinople et de sable
Sera semé de chaînes d’or,
Liant une taupe qui dort ;
De chaque côté pour support
Deux canards, couple insatiable,
Ouvrant les pattes, dans le bec
Tiendront chacun un laurier sec.
Une tiare de calottes
En sautoir, plumes et marottes
De l’écu seront l’ornement.
Fait au conseil du Régiment,
Le jour où la lune moins pleine
D’un demi-cercle éclaire à peine.
F.Fr.12785, f°125-126 - Lille BM, MS 62, p.68-73