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Arrêt contre la Desmars,  comédienne

Arrêt contre la Desmars, comédienne
De par le Dieu de la Marotte,
Nous, Général de la Calotte,
Voulant prévenir sagement
Tout ce qui pourrait nuire au zèle
Qu'un calotin, soldat fidèle,
Dont avoir pour son régiment ;
Plus, empêcher qu'aucuns scandales,
Surtout de la part des vestales,
Y causent du relâchement.
À ces causes, vu la retraite
De la Desmars, anciennement
Notre bonne et vraie sujette,
Qui par ne sait quel avertin1 ,
Quoiqu'encore jeune et très aimable,
Aurait quitté l'art estimable
Du cothurne et du brodequin,
Art qui, d'une gloire immortelle
Comblant ladite demoiselle,
Espérait de son noble cœur
Qu'elle mourrait au lit d'honneur,
Ainsi que le divin Molière
Dont elle était digne héritière.
Toutefois, sans aucun égard
Pour ses talents et son grand art
À représenter sur la scène
Les tableaux de la vie humaine
Afin d'en corriger les mœurs,
Les caprices et les humeurs,
Elle aurait quitté le théâtre,
Et son air vif, jeune et folâtre,
Pour en prendre un plus régulier,
Et jouer en particulier
Acte et scène plus retenue2 ,
Mais qui lasse à la continue,
Surtout lorsque l'on est pratic
De se présenter au public.
Ce considéré, sur la plainte
Que les dames du Régiment
Nous ont portée, et sur la crainte
D'un plus fâcheux dérèglement,
Attendu l'étonnant caprice
De la susdite grande actrice
Contre nos coutumes et us,
Lui retranchons ses revenus
Sur les brouhahas du parterre
Et sur les claquements des mains.
Voulons qu'on lui fasse la guerre
Sur ce caprice des plus vains,
À moins qu'au bon sens ramenée,
Dans la présente et même année,
Elle ne demande à rentrer
Pour en public se remontrer
Dans un âge encore convenable :
Sans attendre comme Baron
Trente ou quarante ans environ
À donner repentir louable.
D'autant que fille à soixante ans,
Après un si grand laps de temps
Retournant à la comédie,
Pourrait n'être pas applaudie.
Lui conseillons donc sagement
De se repentir promptement
Pour rentrer dans nos bonnes grâces,
Et tenir les honneurs et rang
Attachés aux premières classes
Des vestales du Régiment.

  • 1Maladie d'esprit qui rend opiniâtre, emporté, furieux. (Acad.)
  • 2Elle a vécu depuis avec le baron Hogguer. On a cru qu'il l'avait épousée (M.)

Numéro
$4004





Références

1725, I 63-65 - 1726, 62-63 - 1732/1735, I,65-67 - 1752, I,65-67 - F.Fr.9353, f°101r-102r - F.Fr.15016, f°209r-211v - F.Fr.20036, p.86-89 - F.Fr.25570, p.200-202 - Arsenal, 3359, p.52-54 - BHVP, MS 663, f°174r-176v - Institut, 647, f°129r-120v  Bordeaux BM, MS 693, p. 710 - Bordeaux BM, MS 700, f°193r-198r - Grenoble BM, MS 587, f°18v-19v - Lille BM,MS  63, p. 51-55 - Lyon BM, MS 750, f° 234v-235r Lyon, BM, 751, f°80v-81r - Lyon BM, MS 754, f°106r-107v