Brevet de Dame Aillet et Charlotte sa sœur
Brevet de Dame Aillet et de Charlotte sa sœur
Nous, général de la Calotte,
À toute gent porte-marotte,
Salut. Comme la gaieté
Est la source de la santé
Et que femme ou fille jolie
Ayant quelque grain de folie
Peut contribuer vivement
À cette aimable et douce joie
Qui fait passer tranquillement
Des jours filés d’or et de soie.
À ces causes, vu la douceur
De Dame Aillet et de Charlotte
Sa folâtre et gentille sœur,
Dignes d’entrer dans la Calotte,
Nous les recevons toutes deux
Dans le corps de notre milice
Pour y faire tour de malice
Tant aux buveurs qu’aux amoureux.
Voulons que leur humeur badine
Tant avec homme que garçon
Serve d’exemple et de leçon
À toute la gent calotine.
Enjoignons à tout chevalier
De chérir leurs airs familiers
Et le préférer aux airs rudes
Qui font haïr les fausses prudes.
Permettons à ladite Aillet
D’en dire plus qu’elle n’en fait,
Attendu que le mariage
Donne une honnête liberté
Dont un mari, quand il est sage,
Ne doit jamais être irrité.
A l’égard de sa sœur gentille,
Non moins de corps que de l’esprit,
L’exhortons, vu l’état de fille
D’en faire plus qu’elle n’en dit.
Leur accordons pour honoraires
Girouette, rat et papillon,
Et qui plus est leur faisons don
À chacune de mille francs
À prendre sur le doux encens
Que galant donne à bien aimée,
Vapeur légère et qui souvent
Se dissipe comme fumée
Et fuit plus vite que le vent.
Plus défendons aux précieuses,
Ridiculement sérieuses,
De contrôler malignement
Les actions, airs et manières
Des deux susdites calotières,
À peine d’être vivement
Elles-mêmes tympanisées
Sur leur secret déportement
Et d’être haut en l’air bernées
Par tout le corps du Régiment.
Remerciement des précédentes
Au folâtre et rimeur Gacon,
Connu pour tel sur l’Hélicon,
Secrétaire de la Calotte,
Dame Aillet et sa sœur Charlotte,
Faisons humble remerciement
De nous avoir, comme ratières,
Mises au rang des calotières
De son illustre Régiment.
Lui promettons de ne rien faire
Indigne d’un tel caractère
Et d’avoir en aversion
Les airs pleins d’affectation,
Torticolis, minauderie,
Fausse pudeur et pruderie,
Enfin tout autre air qui déplaît
Et rend le beau sexe si laid.
De plus nous voulons bien qu’il sache
Que tout homme ayant son attache
Tant par brevet que par pension
Aura de notre affection
Des marques si considérables
Qu’il trouvera la gaieté
Et les manières agréables
Préférables à la beauté.
Que si lui-même prend la peine
De nous venir voir quelquefois
Nous ne doutons point que sa veine
N’enfle à l’aspect de nos minois.
Dieu sait alors comme sa verve
En joignant Vénus à Minerve
Fera vers dignes d’être lus
Par gens d’une fine marotte
Et non comme ceux de La Motte
Qui n’ayant ni dessein ni goût
Ne sont bons qu’à mettre au rebut.
BHVP, MS 664, f° 77r-80v - Mazarine, 3971, p.125-32 - Lyon BM, MS 750, f°254 - Lyon BM, MS 751, f°105v-106v