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Bref du Saint-Père d’Aguesseau, chancelier de France

Bref du Saint-Père d’Aguesseau,

chancelier de France

Nous, d’Aguesseau, nouvellement

Devenu, je ne sais comment,

Par les lois de la Providence

Pape du royaume de France,

 

A tous chrétiens, savoir faisons

Que par de très bonnes raisons,

Nous trouvant surchargé d’affaires,

Avons créé nos grands vicaires.

 

Les Srs Duparc et de Fleury,

Du Bruges et de Gaufredi,

Gens d’une grande prud’homie

Et savants en théologie,

 

Avec eux très facilement

Vous vous passerez de Clément

Pour avoir bulles et dispenses

Et pour gagner les indulgences.

 

Je laisse à leur direction

Toute excommunication.

Ils réduiront à nos usages

Bulles et canons en gens sages.

 

Ils seront aussi sans crédit

Si quelqu’évêque contredit.

La Sorbonne ainsi le décide.

Peut-on avoir un meilleur guide ?

 

Les docteurs Hideux, les Lamberts,

Les Bidal du Pin, les Huberts,

Ravachet, Navarre et Chaudière

En savent bien plus que saint Pierre.

 

La nouvelle religion

Veut que de la confession

On use avec plus de réserve

Et que rarement on s’en serve.

 

Qu’on donne l’absolution

Quand la prédestination

Au confesseur sera connue ;

Sinon qu’elle soit retenue.

 

Nous connaissons l’infirmité

Et le défaut de liberté

Qui vient de notre premier père,

Moyennant quoi l’on peut tout faire.

 

Vous confesser, n’aimez-vous pas ?

Dites trois fois, même tout bas :

Saint Augustin, grâce efficace,

Ce mot seul tout péché efface.

 

Pour respecter le sacrement,

Communiez fort rarement.

Tous les dix ans, c’et fort honnête,

Il faut qu’à ce terme on s’arrête.

 

Que le noble, que l’artisan,

Le plus sstupide paysan,

Tous les jours lise l’Écriture.

Qu’importe qu’elle soit obscure.

 

Ainsi l’a Quesnel ordonné.

Quand on serait aveugle-né

On est obligé de la lire ;

Vous n’avez que faire d’écrire.

 

Il faudrait la lire en hébreu,

Ce serait là le droit du jeu.

Du moins quand on ne le peut faire,

Qu’on la lise en langue vulgaire

 

Lisez pour tout père latin

Jansenius, saint Augustin,

Arnauld pour docteur de l’école,

Quesnel, Jacmin, Nicole.

 

Presque tous les autres auteurs,

Soit les Pères, soit les docteurs,

Ne sont que de francs molinistes,

Des pélagiens et des papistes.

 

Des Grecs l’on ne vous dira rien ;

Ce n’étaient pas des gens de bien.

On sait leur doctrine insolente

Touchant la grâce suffisante.

 

Et toutes congrégations,

Et toutes les dévotions

Que l’on appelle confréries

Du royaume seront bannies.

 

Peut-être le jésuite un jour

Pourrait revenir à la cour

Nous révoquons les privilèges

Et voulons brûler les collèges.

 

Il tient trop au pontificat,

A nos rois, à l’épiscopat.

Conservons les couvents de filles

Car ils déchargent nos familles.

 

Ordonnons de louer le Roi

Selon les principes de foi ;

Autrement, quand il serait ‘âge

Il pourait bien nous mettre en rage.

 

Enjoignons à tous les prélats

De se soumettre à nos légats,

A recevoir notre ordonnance

Sans faire aucune résistance.

 

Sans aucune explication,

Examen ni relation,

Les libertés de notre Église

Ne souffrent point qu’on nous méprise.

 

Si quelqu’évêque de Châlons,

Ou de Marseille, ou de Toulon

Criait qu’on lui fait violence,

La cour le condamne au silence.

 

Qu’on saisisse son temporel,

Qu’on le poursuive au criminel,

Qu’il soit traité comme profane,

Traître à l’Église gallicane.

 

Si le Pape ne souscrit pas,

Avignon sautera le pas.

On lit dans l’évêque d’Hippone

Que c’est un fief de la couronne.

 

Chrétiens de la nouvelle loi

Nous le jurons par notre foi.

Voilà ce que vous devez croire,

Conservez-en bien la mémoire.

 

Le tout muni de notre sceau

Et signé par nous, d’Aguesseau.

Donné dedans la rue Pavée,

De grâce la première année.

Numéro
$7184





Références

Arsenal 2975/3, p.132-37