Histoire véridique du cardinal Fleury
Histoire véridique du cardinal Fleury1
Notre bon vieux pédant Fleury2
Dans peu disparaîtra d’ici
Plus il ne nous régentera
Alleluia
Tracez à la postérité
Avec pinceau bien coloré
Ce quidam qui nous gouverna
Alleluia
Il était sorti de bas lieu
Mais il se mit bientôt en jeu.
Plus d’un rôle il représenta.
Alleluia
D’abord il fut galant abbé
Puis il devint seigneur mitré,
En tout état patelina.
Alleluia
Il possédait l’art de la cour
Où vérité brille en son jour,
Dévotement hypocrisa3 .
Alleluia
Pour du Prince être précepteur
Ne mit ni science ni labeur,
Féminin canal pratiqua.
Alleluia
A la bavette il prit le Roi,
Lui dit, ne vous fiez qu’à moi
Ailleurs on abusera
Alleluia
De ce principe embabouiné
L’enfant a si bien profité
Qu’on ne sait quand il parlera.
Alleluia
Il s’est acquis par ce chemin
L’autorité d’un souverain
Que sur son maître il usurpa.
Alleluia
En Hercule du Vatican,
Il écrasa tout mécréant,
Petits et grands il subjugua.
Alleluia
Il s’avisa de guerroyer,
Ensuite de pacifier,
Sur l’un et l’autre on le siffla.
Alleluia
D’un grand désintéressement
Il fit paraître constamment ;
Vertu qu’il n’eut il affecta.
Alleluia
De biens combla sa parenté4
Par ordre de Sa Majesté
Car il n’avait pas visé là.
Alleluia
Avec air flatteur et riant
Des belles dents exprès montrant,
Jamais son masque ne quitta.
Alleluia
D'un chapeau rouge le Tencin,
Chef de concile et tabarin,
Sans argent il récompensa5 .
Alleluia
Je te plains, pauvre nation,
De perdre un si grand Pantalon ;
Tu pourras joindre au libera
Alleluia.
- 1Chant joyeux sur le cardinal de Fleury (BHVP, MS 659)
- 2 Sur une maladie qui pensa emporter le cardinal de Fleury. Cette chanson eût été mieux à la place d’être mise avant celle qui précède. (Castries)
- 3« Les agréments de sa personne et de son commerce enchantaient le sexe ; il se conciliait les hommes par la simplicité de son extérieur, par une candeur apparente, car il n’était pas toujours tel qu’on le voyait. Cependant son hypocrisie n’avait rien de bas et d’odieux. Elle est chez les autres hommes non seulement une contrainte habituelle de leur caractère, mais l’effort pénible d’en présenter un nouveau. Chez lui c’était l’adresse naturelle de ne montrer le sien qu’à un certain degré, que du côté nécessaire, que sous le jour le plus insidieux et le plus favorable. » (Vie privée de Louis XV.) (R)
- 4« Il faut avouer que s’il n’enrichit pas sa famille de sa succession, il y avait bien pourvu. Il résista longtemps à la vanité de l’élever. Enfin il se rendit aux importunités et pourvut tous les siens magnifiquement. C’était la façon la plus noble d’établir leur fortune. » (Ibid.) (R)
- 5L’archevêque d’Embrun reçut le chapeau au mois de février 1739. « Le cardinal, remarquait le marquis d’Argenson, ne tient autant à l’élévation de M. de Tencin que pour donner une nouvelle mortification à M. de Chauvelin, qui s’était toujours opposé avec force à cette nomination ; de telle sorte qu’il s’était fait un ennemi déclaré de l’archevêque d’Embrun. Quoique le cardinal de Fleury n’ait d’autre vocation d’amitié pour M. de Tencin que leur aversion commune pour le garde des Sceaux, on persiste à voir dans ce chapeau, la certitude de l’adjonction prochaine au premier ministère pour la nouvelle Eminence. » (R).
Raunié, VI,239-42 - Clairambault, F.Fr.12708, p.303-09 - Maurepas, F.Fr.12635, p.165-67 - F.Fr.12675, p.340-43 - F.Fr.13662, f°180r - F.Fr.15149, p.254-59 - F.Fr.15231, f°254r - Arsenal 2934, p.386-89 - BHVP, MS 549, f°41v-43r - BHVP, MS 659, p.217-20 - Mazarine 2356, f°64r-64v - Mazarine Castries 3987, p.168-71 - Barbier-Vernillat, III, 112-13