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Le Chevalier de Saint-Lazare

Le chevalier de Saint-Lazare1
Tandis que l’on chante Morel2 ,
Plus fat, plus sot que criminel,
Voici du vin un grand apôtre
Que l’on met, pour apaiser Dieu,
En sûreté dans certain lieu
Qui lui convient mieux que tout autre.

Voulez-vous qu’il y soit traité
Comme on sait qu’il a mérité,
Aux yeux du goût ainsi qu’aux vôtres ?
Donnez-lui pour frères fouetteurs
L’aréopage des NeufSœurs
Ou Thalie au défaut des autres.

De pleurs d’abord il la mouilla,
Puis de fange il la barbouilla,
Peignant ses mœurs plus que les nôtres ;
Pour expier ce double tort,
O Muse, applique-lui bien fort
Cent coups de fouet, puis deux cents autres.

Au lieu d’aller dans ce saint temps
Te damner peut-être à Longchamps,
Beaumarchais, dis ta patenôtre ;
Te voilà bien pour ton salut :
On sauverait là Belzébuth,
On t’y sauvera comme un autre.

Vrai modèle de Figaro,
Au théâtre ainsi qu’au barreau,
Tes bons mots effaçaient les nôtres ;
Mais, par un trop juste retour,
On te fait la barbe à ton tour,
Comme tu la fis à tant d’autres.

Ni de Beaumarchais ni Caron
N’est un assez illustre nom
Pour l’illustre auteur de Tarare3 ,
On l’appellera désormais
Non plus Caron ni Beaumarchais,
Mais chevalier de Saint-Lazare.

  • 1- La Critique et la Parodie du mandement, ainsi que la Lettre adressée à l’archevêque, avaient été, paraît-il, injustement attribuées à Beaumarchais, néanmoins l’auteur prétendu faillit être enfermé à la Bastille sur les plaintes du prélat. Mais quelques jours après, à l’occasion d’une lettre adressée au Journal de Paris, dans laquelle il se vantait que Figaro eût été joué en dépit de lions et de tigres, allusion évidemment dirigée contre Monsieur, frère du Roi, il fut conduit à Saint-Lazare où on le laissa six jours.
  • 2Voir $1563.
  • 3Opéra de Beaumarchais, que le chevalier Gluck et Salieri avaient accepté de mettre en musique et qui fut seulement terminé en 1787. (R)

Numéro
$1567


Année
1785




Références

Raunié, X,188-89