Sur le procès de Beaumarchais
Épigramme sur le procès de Beaumarchais1
Quand pour ouïr sa destinée2
Aux pieds du sacré Divan,
Tremblante, interdite, étonnée,
La tendre épouse de Goëzman
Avec pompe fut amenée,
D’un ton doux, civil et galant,
M. le Premier Président,
Fort expert en galanterie,
Au nom de la docte écurie
Lui fit ce joli compliment :
Calmez vos sens, rassurez-vous, Madame,
Vos juges, par ma voix, vous déclarent infâme.
Soudain, reprenant ses esprits,
Quoi, ce n’est que cette misère !
Dit la Dame aux quinze louis,
En vérité dans cette affaire
Soins superflus, Messieurs, vous avez pris.
Il ne fallait pas tant de formulaire,
Ni ce fatras, ni ces grands riens
Pour condamner à l’infamie
L’épouse d’un sujet de votre confrérie.
Avec mon cher mari, je suis commune en biens3 .
Bien mieux que vous, je suis au fait.
Écoutez-moi, je vais prononcer votre arrêt.
Le public, grand juge suprême
En matière d’opinion,
Attendant son expulsion,
Blâme le Parlement lui-même
Et condamne à la question
Marin, d’abord comme espion,
Puis comme usurier et fripon,
Le livre au bourreau pour le pendre ;
Renvois absous le Beaumarchais
Et lui donne ordre d’entreprendre
L’histoire du nouveau Palais.
Quant au Goëzman, son adversaire,
Sa peau transformée en tambour
Publiera qu’il faut être austère ;
Et sa compagne, dès ce jour,
Rejoindra la Salpétrière
Pour y disserter sur l’amour.
Le Jay, Baculard et d’Airolles,
Vides de sens et de raisons
Ensemble iront, d’après leurs rôles,
Tout droit aux Petites Maisons.
- 1autre titre : Vers sur Mme de Goezman, épouse d’un des juges, impliquée dans cette affaire avec son mari (F.Fr.13652) - 1er mars 1774b. On a fait les vers suivants sur madame Gœzman ; la chute en est assez heureuse ; mais ils sont du reste lâches, diffus et seulement comme historique (Mémoires secrets)
- 2Voici une autre pièce de vers, composé lors du jugement de Parlement, dans l’affaire de M. de Beaumarchais et de M. et de Madame Goëzman, ses parties adverses (Correspondance secrète)
- 3"Avec lui suis-je pas, hélas ! commune en bien" qui marque la fin dans Raunié et F.Fr.1514.
Raunié, VIII,302-03 - F.Fr.13652, p.217-18 - F.Fr.15141, p.398-99 - Mémoires secrets, IV, 511 - Hardy, III, 365 - Correspondance secrète, t.I, p.46-47
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