Beati pauperes
Beati pauperes
Un pauvre hère1 , enfant de l’hélicon,
Gisait mourant, à peu près, sur la paille ;
Et pour payer casse ou catholicon
Dans son coffret n’avait denier, ni maille.
Un gros banquier2 regorgeant de mitraille
En même temps était malade aussi :
Guérissez-moi ! s’écriait celui-ci,
Voilà de l’or. Chers enfants d’Esculape,
S’écriait l’autre, en cas que j’en réchappe,
Je vous promets au Pinde un beau loyer !
La faculté vers ce lieu ne galope :
En l’autre parc, elle aime à giboyer :
Si que bientôt, de Vernage à Procope,
D’Isez à Pousse, et d’Astruc à Boyer,
Depuis le cèdre enfin jusqu’à l’hysope,
À son chevet notre veau d’or eut tout.
L’art s’étala pour lui de bout en bout.
Le pauvret n’eut pour lui que la Nature.
Qu’en advint-il ? Le pauvret est debout,
Et le richard est dans la sépulture.
Lettres de M. de V***, p.161-62 - Choix d'épigrammes, p. 76 - Piron, OC, t.IX, p.185