La Victoire de Soubise
La victoire de Soubise1
Joli-Cœur
Bonjour, mon cher La Ramée,
Qu’il me tarde de t’ouïr
Conter les faits de l’armée,
Vite remplis mes désirs.
La Ramée
La victoire nous couronne,
Quoiqu’elle ait longtemps tardé,
Rarement elle abandonne
Le Français bien commandé.
Joli-Cœur
Quel dieu prend notre défense
Après deux ans de revers ?
La Ramée
C’est un héros de la France :
A ce trait connais Chevert2
.
Joli-Cœur
Bon ! Chevert, quelle méprise !
Notre gazetier français3
A l’altesse de Soubise
Fait honneur de vos succès.
La Ramée
Corbleu ! c’est une malice
Pour tromper notre bon Roi.
Toutefois rendons justice
A tous deux de bonne foi :
Joli-Cœur
tu peux m’en croire
Comme oculaire témoin,
Quand Chevert eut la victoire
Soubise n’était pas loin.
- 1Autres titres : - Dialogue à propos de la bataille de Lutzelberg. (M.) (R) - Dialogue entre Madelon [sic] et La Ramée (F.Fr.13651)
- 2François de Chevert (1695‑1769), orphelin dès son jeune âge, s’était engagé à onze ans et avait conquis tous ses grades par des actions d’éclat. Lieutenant général depuis 1748, il se signala dans la guerre de Sept ans, et assura par d’habiles manœuvres les deux victoires d’Hastembeck et de Lutzelberg. (R)
- 3« La Gazette de France fait mention des dispositions prises par M. le prince de Soubise, et dit en même temps que les efforts des ennemis se sont portés sur l’aile gauche, commandée par M. de Chevert. Comme le public est fort porté pour M. de Chevert, qui est en effet un grand militaire, et qu’il est fort indisposé contre M. le prince de Soubise, il n’est pas possible de lui ôter de l’esprit que non seulement M. de Chevert a eu toute la part à l’avantage remporté sur les ennemis, mais même que M. le prince de Soubise n’est arrivé de son camp à l’action que quand elle finissait. » (Journal de Barbier.) Le Journal historique du règne de Louis XV ne parle pas de Chevert. (R)
Raunié, VII,296-98 - F.Fr.13651, p.116