Brevet de médecin ordinaire du Régiment de la Calotte

Aymon, par grâce de Momus,

Dans les États de la Calotte

Seul souverain porte-marotte,

À vous, Monsignor Balinus,

Salut. Sur ce qu’en l’assemblée

Qui se tint au prima mensis

Dans notre palais à Paris,

Toute la troupe encalottée

Nous aurait lors représenté,

Tant pour notre propre santé

Que pour arrêter les ravages

Causés dans les États calotins

Par la perte de Feuilladin

Et de maints autres antisages

Ravis à la fleur de leurs jours,

Faute d’avoir les bons secours

De quelqu’un d’humeur calotine,

Doctus doctor en médecine,

Qui, sachant nos tempéraments,

Nous donne bons médicaments,

Assuré de votre mérite,

Qu’en vos mains moins on périclite

Qu’en celles des Helvétius

Silva et autres Diafoirus,

Tous lesquels au comte de Roye

N’auraient pas fait prendre la voie

Du sombre manoir de Pluton

Si de vous avaient pris leçon.

Plus certain qu’avez la science,

L’art joint avec l’expérience

De faire et donner anodins

Laxatifs, lénitifs bénins

Et autres sortes de clystères

Bons à rafraîchir les viscères

De nos échauffés calotins,

Dont très souvent les intestins

Au chef font monter vapeurs sombres

Qui les envoyent chez les ombres.

À ces causes, tout bien pesé,

Examiné, délibéré

Selon la forme, us et manière

Qu’avons coutume de le faire,

Vous instituons et nommons,

Par ces présentes déclarons,

Notre médecin ordinaire,

Et parce que d’apothicaire

Avez jusqu’ici fait métier,

Vous abdiquerez le mortier.

Plus, attendu la connaissance

Et la parfaite suffisance

Qu’avez en l’art de purgare,

Seignare, clisterisare,

Ordonnons que robe fourrée

Par la faculté convoquée,

Vous sera mise sur le corps,

Et vous sera donnée dès lors

Par elle plénière puissance

De parler grec sans connaissance,

De tuer, hors du Régiment,

Partout ailleurs impunément.

Sera votre robe fourrée

De papillons, grelots semée

Et sous le docto boneto

Aurez calotte de plombo

Avec une oreille levée

En la manière accoutumée.

Assurons vos appointements

Sur les vapeurs des excréments,

Non sur les brouillards de la Seine,

Crainte que nous n’épuisions

Par trop nombreuses pensions

Les revenus de ce domaine.