Dans cette place quel vacarme
L’on entend la nuit1  !
Et jamais la place des Carmes
N’a fait tant de bruit.
On danse, on crie, on fait tapage.
Le public est-il sage ou non ?
Bon, ignorez-vous que l’usage
Contredit toujours la raison ?

Le clec, le bourgeois, la grisette,
Le petit collet,
Chacun y fait son personnage
Et vient donner cette leçon
Que jamais le monde et l’usage
N’est d’accord avec la raison.

L’on y voit danser la noblesse
Avec le valet ;
Le savetier près d’eux s’empresse
A faire des goguets.
Les B…, les f… au voisinage
Se font entendre en faux bourdon.
Qu’importe, puisque c’est l’usage,
Que cela choque la raison.

La mère dit à sa fillette :
Pourquoi me quitter ?
Songez un peu quand je m’arrête
A vous arrêter ;
Sous mes yeux et loin du tapage
Assoyez-vous sur ce gazon.
Ma fille, je crains que l’usage
Ne joue un tour à la raison.

Morgué, pourquoi blâmer ces fêtes ?
Peste du benêt
Qui veut aux plaisirs honnêtes
Faire le procès.
Le refrain seul a mon suffrage ;
J’en juge par comparaison.
Ma femme sort à mon usage
Et point du tout à ma raison.

• 1Au sujet du bal qui s’est donné pendant quelque temps dans la Place Royale. Le menu peuple y allait depuis 8 heures du soir jusqu’à 11 ; les gens de condition depuis 11 heures jusques à 6 heures du matin (M.).