Le Bal de Versailles
Le bal de Versailles1
A moi, charmant Anacréon !
J’invoque aujourd’hui ton génie ;
Des jeux prolonger la saison,
C’est ajouter à notre vie.
Appelons ici la gaîté,
L’enjouement et la liberté,
Enfants de quinze ans,
Laissez danser vos mamans.
Combien, Amour, ici des ans
Tu méconnaîtrais l’intervalle.
La moins jeune de ces mamans
Peut de sa fille être rivale.
Il est plus d’un mois pour les fleurs,
Et toutes les roses sont sœurs.
Belles, qui formez des projets,
Trente ans est pour vous le bel âge ;
Vous n’en avez pas moins d’attraits,
Vous en connaissez mieux l’usage,
C’est le vrai moment d’être heureux,
On plaît autant, on aime mieux.
Croyez-vous que le dieu malin
Dont je chéris et crains la flamme
Allume aux rayons du matin
Le flambeau qui brûle notre âme.
Son feu, si je l’ai bien senti,
Ressemble aux ardeurs du Midi.
Enfants de quinze ans,
Laissez danser vos mamans.
- 1 - Par M. Moreau. — Cette chanson fut faite à l’occasion d’un bal donné à Versailles, le jour du mardi gras par Mme la maréchale de Duras. Les mères de toutes les jeunes filles y dansèrent ; et les jeunes filles faisant à leur tour le rôle de mères, y furent simples spectatrices. (M.) (R)
Raunié, VII,351-52 - F.Fr.15142, p.39-41