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L'Aventure de madame de la Poupelinière

L’aventure de Madame de la Poupelinière1
Voulez-vous apprendre l'histoire
De monsieur de la Popelinière ;
Sa moitié2 , pour voir son galant,
Traversait une cheminée,
Qui semblait close par devant
Et par derrière était percée.

Averti de ce stratagème3 ,
Ayant vu ce trou par lui‑même,
Il a fermé porte et verroux,
Jurant sans mesure ct sans bornes,
Tant il se sentait en courroux
En voyant cet ouvrage à cornes4  :

A quoi bon faire ce tapage ?
C'est son profit que cet ouvrage ;
Sans argent le bois lui venait
Dans son foyer en abondance ;
Le but de sa femme n'était
Que de ménager la dépense.

Saxe, l'appui du militaire5 ,
Voulut accommoder l'affaire ;
Mais le mari lui répliqua,
En faisant tirer la coulisse :
Ma drôlesse par ce trou‑là
N'a que trop appris l'exercice.

C'est par ce moule à cocuage
Qui fait le sujet de ta rage,
Que l'ennemi pourrait souvent,
En se tenant en embuscade,
Sans crainte foncer dans le camp
Quand je quitte la palissade.

L'épouser fut une sottise6 ;
Mais enfin la faute est commise.
Mon exemple, grand conquérant,
N'est pas un bon exemple à suivre ;
Gardez‑vous bien d'en faire autant.
Adieu, je vous apprends à vivre.

 

  • 1Le Riche de La Popelinière, fermier général célèbre par son faste ct par la protection qu’il accorda aux gens de lettres, avait épousé Mlle Deshayes, fille de la comédienne de ce nom, plus connue sous celui de Mimi Dancourt. (R)(M.) — Il faut lire dans les Mémoires de Marmontel le récit de cette aventure, qui fut un des plus singuliers scandales du XVIIIe siècle. (R)
  • 2Mme de La Popelinière a fait faire dans sa chambre à coucher un fond de cheminée à ressort et soutenu sur des pivots, pour faciliter l’entrée chez elle de ses amants ; le derrière de cette cheminée donne dans la maison voisine, qu’elle avait louée exprès pour cela et par où passaient ceux qui avaient ses bonnes grâces. L’on dit que c’est M. de Richelieu qui a fait faire cette machine. (M.) — Il faut lire dans les Mémoires de Marmontel le récit de cette aventure, qui fut un des plus singuliers scandales du XVIIIe siècle. (R)
  • 3Le jour de la revue des uhlans dans la plaine des Sablons. (M.) (R)
  • 4Les plaisanteries ne manquèrent pas sur le compte de M. de La Popelinière. « On disait, écrit Barbier, qu’il était bien heureux d’être fermier général, parce qu’on l’aurait fait payer aux barrières comme bête à cornes. » (R)
  • 5C’est en vain que Mme de La Popelinière invoqua, pour fléchir son mari, l’appui de puissants protecteurs. « Elle a prié, raconte Barbier, M. le maréchal de Saxe et M. le maréchal de Lowendahl de la ramener à son mari. Ils l’ont fait, mais sans succès. » Mme de La Popelinière, chassée du domicile conjugal, se retira dans un modeste Iogement de la rue Ventadour, où elle mourut peu après d’un cancer au sein, et dans un état voisin de la misère. (R)
  • 6Il est vrai qu’il l’avait épousée un peu par force. Alors que Mlle Deshayes n’était que sa maîtresse, elle intéressa en sa faveur Mme de Tencin et le cardinal Fleury et lorsqu’il fut question de renouveler le bail des fermes, on signifia à M. de La Popelinière qu’il eût à régulariser sa position par un mariage s’il voulait être maintenu en fonctions. Naturellement le fermier général s’exécuta. (R)

Numéro
$1057


Année
1748




Références

Raunié, VII, 128-31 - Clairambault, F.Fr.12718, p.419-21 (variantes) - F.Fr.10478, f°255r - F.Fr.13659, p.155 (strophes 4, 5, 6) - F.Fr.15142, p.236-38 - F.Fr.15151, p.357-58 (couplets 1-3) - NAF.9184, p.425 -  Arsenal 4844, f°218r-218v - BHVP, MS 558, p.46 - Lille BM, MS 66, p.435-38