Au poète qui a prêté sa plume au bourreau d’Orléans
Au poète qui a prêté sa plume au bourreau d’Orléans
Le bourreau d’Orléans vous est fort obligé ;
Vous plaidez chaudement sa cause
Mais ce n’est pas pour rien qu’en poète érigé,
Et négligeant pour lui la prose,
En vers vous expliquez la chose.
Comme avocat, habile, adroit,
Vous faites bien valoir son droit.
C’est, dites-vous, une entreprise
Qui grandement vous scandalise
De brûler sans exécuteur
L’écrit d’un hérétique auteur.
Mais, cher rimeur, ne vous déplaise
Saint Luc rapportant qu’on brûla
Les mauvais livres dans Éphèse,
Dit-il que le bourreau fut là ?
Et vous, esprit hétérogène,
Grenouille qui sort, non de l’eau,
Mais du limon de l’hypocrène,
Vous demandez que le bourreau
Paraisse à vos yeux sur la scène ?
C’est avec beaucoup de raison
Que pour ses intérêts votre bile s’allume,
Et qu’avec cet acteur vous avez liaison.
Tel rimeur aujourd’hui prête au bourreau sa plume,
A qui peut-être, dès demain,
Le bourreau prêtera sa main.
Clairambault, F.Fr.12695, p.47-48 - Maurepas, F.Fr.12627, p.33-34