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Épître à la nation

Épître à la nation
Au feu séditieux de tes tristes querelles
L’aveugle fanatique allume le flambeau :
Dans le sang de ton maître un Ravaillac nouveau
Vient de tremper ses mains cruelles :
France, cet attentat pourra-t-il te guérir
Du noir prestige qui t’enivre ?
Le Roi le plus digne de vivre,
A tes yeux dans ton sein s’est vu prêt à périr.
Ah ! frémis des périls où toi-même t’exposes,
Et connais ton forfait par celui que tu causes.
Le tombeau de Louis eût été ton cercueil.
Tandis que tu verses des larmes,
L’étranger rit de tes alarmes.
Déjà sur toi son fol orgueil
Médite d’injustes conquêtes ;
Et pendant la nuit de ton deuil,
Il prépare des jours de fêtes.
Combats au lieu de disputer :
Fais sentir ton courroux à qui l’ose exciter ;
Va, cours d’un peuple ami détruire l’esclavage,
Protège, d’une main, le trône des César ;
Et de l’autre perçant les cruels Léopard,
De l’univers charmé mérite le suffrage :
Mais comment dans ce temps de douleur et d’effroi,
Porter la guerre au loin quand la guerre est chez soi ?
Par leur désunion tes membres qui languissent,
Dans leur choc mutuel chaque jour s’affaiblissent,
Et sous ses propres coups le corps prêt à tomber,
Si le mal croît encor, va bientôt succomber.
Que le cri douloureux d’une voix citoyenne
Au bord du précipice un moment te retienne.
O vous, du dieu vivant ministres révérés,
De ses dons immortels, dispensateurs sacrés,
Et vous, fameux sénat aussi sage que juste ;
De nos vœux, de nos lois dépositaire auguste,
De votre heureux concert notre salut dépend :
Rapprochez-vous du terme où mon cœur vous attend.
Sans doute pour le bien votre ardeur est égale ;
Mais du zèle à l’excès, il est peu d’intervalle.
Pour obtenir enfin, consentez à céder.
En modérant vos droits, on peut les accorder.
L’impartial honneur, votre commun oracle
A vos embrassements ne permet plus d’obstacle.
Quand le Ciel à Louis daigne rendre le jour,
Tout, dans ce doux instant est possible à l’amour.

 

Numéro
$3774


Année
1757, février




Références

CLK, février 1757, t.I, p.79