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Portrait de Madame de Genlis

Portrait de Madame de Genlis1
Saint-Aubin dans sa patrie
Ne vivait que d’industrie ;
Elle était assez jolie,
Ses nuits lui payaient ses jours.
Bientôt, par son savoir-faire
A l’abri de la misère,
Son âme fut un repaire
De fraudes et de détours.

Genlis, époux digne d’elle,
De ses vices le modèle,
Brûlant d’une ardeur fidèle,
Vient lui présenter sa main.
Dans l’espoir du cocuage,
Il conclut son mariage,
Fondant son heureux ménage
Sur une épouse catin.

Grâces à son impudence,
La voilà dans l’opulence ;
Se livrant à sa science,
Elle trame des noirceurs,
Elle imprime une bêtise ;
Pour consommer sa sottise,
Elle doit tout à Céphise,
Elle en écrit des horreurs2 .

  • 1Félicité Ducrest de Saint‑Aubin, comtesse de Genlis, dame d’honneur de la duchesse de Chartres et chargée de l’éducation des deux filles de cette princesse, venait de se faire nommer gouverneur des jeunes fils du duc, lorsqu’elle publia Adèle et Théodore, ou Lettres sur l’éducation contenant tous les principes relatifs aux trois différents plans d’éducation des princes, des jeunes personnes et des hommes. « Ce titre, remarquait Métra, est bien d’une femme persuadée qu’elle est en état de faire toutes les éducations imaginables. On n’achète cependant ce livre que pour la critique et sa vogue naît uniquement de ce qu’il est un ridicule de plus pour son auteur à qui de méchants couplets et sa nouvelle place ont donné une désespérante célébrité… Quel terrible gouverneur que cette comtesse ! Une jeune princesse, en sortant des mains d’un tel péda­gogue, pourrait demander au Roi la place de chancelier ; il ne lui manquerait que la perruque. »(R)
  • 2Le rédacteur des Mémoires secrets écrivait, à propos de cette chanson : « On accuse Mme la comtesse de Genlis, dans le nouvel ouvrage qu’elle vient de faire paraître, d’avoir tracé des portraits très ressemblants et très satiriques, entre autres un de Mme de La Reynière, femme du fermier général, sa bienfaitrice, et qui l’a accueillie dans un temps où elle manquait de tout. Cette ingratitude a révolté. Mme de La Reynière a un fils, homme de lettres, qui n’a pu supporter l’injure faite à sa mère, et qui, dit‑on, s’est permis une chanson contre la première. Cette chanson est très médiocre et d’une méchanceté plate ; on ne peut la croire de M. de La Reynière, qui a trop d’esprit pour n’avoir pas vengé sa mère d’une façon plus spirituelle et trop d’honnêteté pour n’avoir pas mis plus de noblesse et de grandeur dans son procédé. Quoi qu’il en soit, elle fait anecdote et contient un historique précieux de la vie d’une femme qui fixe aujourd’hui l’attention de toute la cour et des gens de lettres »

Numéro
$1511


Année
1782

Auteur
La Reynière (M. de) ?



Références

Raunié, X,40-42 - Mémoires secrets, XX, 75-76