Aller au contenu principal

Chanson sur le cardinal de Fleury

Chanson sur le cardinal de Fleury1
L’an mil sept cent quarante-trois
Le vieux bonnet rouge aux abois
Ces adieux enfin nous fera.
Alleluia

A quoi passiez-vous votre temps
Pendant le cours de vos longs ans ?
Parlez ! Surtout ne mentez pas.
Alleluia

J’aurais bien pu l’employer mieux,
Mais j’étais né ambitieux
Quoique d’un état assez bas.
Alleluia

Je pris donc le petit collet
Pour être plus sûr de mon fait
On vient à bout de tout par là.
Alleluia

Je fis si bien qu’en peu de temps
Les femmes prônaient mes talents
Plus d’une par mes mains passa.
Alleluia

Je leur fis croire adroitement
Qu’avec un directeur prudent
Il n’est aucun mal à cela.
Alleluia

Pour être dans un plus grand jour
Je voulus paraître à la cour
Près d’un Dauphin on me plaça.
Alleluia

Hypocrite, fourbe, intrigant,
Et sous les Jésuites rampant,
Je parvins à l’épiscopat.
Alleluia

Je le quittai bientôt après
Encouragé par mes succès
Je voulus aller au-delà.
Alleluia

J’étais auprès d’un bel enfant
Qui, devenu roi promptement,
Au seul nom de roi succéda.
Alleluia

Le maréchal, son gouverneur,
Était un bon vieux radoteur
Et peu propre à ce métier-là.
Alleluia

Par mon esprit insinuant
Je gagnai si bien cet enfant
Que depuis toujours il m’aima.
Alleluia

A mesure qu’il devenait grand
Je le subjuguais tellement
Qu’à me craindre il s’accoutuma.
Alleluia

Lorsque le Régent a régné,
Je l'ai laissé faire à son gré.
A la fin la mort l’enleva.
Alleluia

Le Borgne qui vint après lui,
Moins borgne de corps que d’esprit,
Fit si bien que tout empira.
Alleluia

J’avais si bien dressé le Roi
Qu’il ne faisait rien que par moi,
Et par mon ordre il le chassa.
Alleluia

Aussitôt je fis publier
Que Louis Quinze allait régner.
Mais l’autorité me resta.
Alleluia

Pour en être plus respecté
D’une nouvelle dignité
Je voulus qu’il me décora.
Alleluia

Premier ministre, cardinal,
Ma foi, je gouvernai si mal
Qu’à mon pupille il en cuira.
Alleluia

Mais je lui laisse le Tencin
Qui sans contredit me vaut bien.
Il faut une âme à ce corps-là.
Alleluia

Plus s’éleva encore que moi,
Aussi propre à manquer de foi,
A tous en horreur il sera.
Alleluia

Mais je suis bien sûr qu’en mourant,
Comme le dit mon testament,
En France on me regrettera.
Alleluia

Allez, maudits, s’en est assez,
Dira l’Éternel courroucé,
Sitôt Satan l’emportera.
Alleluia

  • 1Autre titre : Chanson sur le cardinal de Fleury aux abois et sur l’entretien qu’il aura avec le père éternel (Mazarine)

Numéro
$3641


Année
1743




Références

Clairambault, F.Fr.12710, p.245-49 -Maurepas, F.Fr.12646, p.221-25 -  F.Fr.13656, p.401-02 - F.Fr.15134, p. 732-39 - F.Fr.15140, p.136-41 - F.Fr.15150, p.381-89 - Arsenal 3117, f°39v-41r - BHVP, MS 550, f°17v-20r - Mazarine 2356, f°82r-84r - Mazarine Castries 3988, p.222-27