A S.A.S. le Prince Edouard
A Son Altesse Royale le Prince Édouard,1
arrêté le 10 décembre 1748
C’en est donc fait, le sort contraire,
Prince, t’arrache de nos bras.
Tu pars ; une tête si chère
N’illustrera plus ces climats.
C’et en vain qu’un grand roi qui t’aime
Parmi nous t’eût voulu fixer.
De son devoir la voix suprême
Lui défendait de balancer.
Il a dû, vainqueur de lui-même
A l’intérêt de ses sujets
Immoler ses justes regrets.
loi dure, mais nécessaire !
perte qui nous désespère !
Cher Édouard, si nos douleurs,
Nos plaintes, nos vœux, notre zèle
A ton infortune cruelle
Peuvent mêler quelques douceurs,
Sois le témoin de nos alarmes ;
Sur nos fronts pâles, abattus,
Cueille le prix de tes vertus,
Vois nos yeux arrosés de larmes.
La triste olive de la paix
Écoute nos voix gémissantes,
Regretter les palmes sanglantes
Dont Mars couronna les Français.
Mais ce n’est qu’une âme commune
Qu’abattent les coups du destin.
Sur les faveurs de la fortune
Tu portas un regard serein.
Vois du même œil son injustice ;
Montre-toi par un fier dédain
Supérieur à son carice.
Que manque-t-il à ta vertu
S’il n’est point d’éclat dont la gloire,
Grand prince, ne t’ait revêtu,
Ton nom au temple de Mémoire
Du temps bravera les fureurs.
Si tu n’as pas une couronne
L’univers entier te la donne.
Ton empire est dans tous les coeurs.
- 1Autre titre : A Son Altesse Royale le Prince Edouard, arrêté le 10 décembre 1748 et conduit le même jour au château de Vincennes.
Clairambault, F.Fr.12718, p.405-06 - F.Fr.10289 (Barbier), f°49-52 - F.Fr.10478, f°263 et 275r-276r - F.Fr.13659, p.179-81 - F.Fr.15142, p.240-42 - F.Fr.15151, p.365-68 - NAF.9184, p.507-08 - BHVP, MS 555, f°96