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Les torts

Les torts1

Servet eut tort et fut un sot

D’oser dans un siècle falot

S’avouer anti-trinitaire,

Et notre illustre atrabilaire

Eut tort d’employer le fagot

Pour réfuter son adversaire,

Et tort notre antique sénat

D’avoir prêté son ministère

A ce dangereux coup d’éclat.

Quelle barbare inconséquence,

Ô malheureux siècle ignorant !

Nous osions abhorrer en France

Les horreurs de l’intolérance,

Tandis qu’un zèle intolérant

Nous faisait brûler un errant.

Pour le censeur épistolaire

Qui dans son pétulant essor,

Pour exhaler sa bile amère,

Veut éveiller le chat qui dort,

Et dont l’inepte commentaire

Met au jour ce qu’il eût dû taire,

Je laisse à penser s’il a tort.

Quant à vous, célèbre Voltaire,

Vous eûtes tort, c’est mon avis :

Vous vous plaisez dans ce pays,

Fêtez le saint qu’on y révère.

Vous avez à satiété

Les biens où la raison aspire,

L’opulence, la liberté,

La paix qu’en cent lieux on désire,

Des droits à l’immortalité

Cent fois plus qu’on ne saurait dire.

On a du goût, on vous admire ;

Tronchin veille à votre santé ;

Vous connaissez la vérité,

Il ne faut pas toujours la dire2 .

  • 1A M. de Voltaire sur son démêlé avec M. le professeur Vernet, qui lui reprochait d’avoir dit à l’occasion du jugement de Servet que Calvin avait l’âme atroce, par M. Reval, horloger à Genève (M.)
  • 2 Ce poème de David Rival (1696-1759), horloger et poète genevois, figure aussi dans le recueil de Boudier de Villemert, l’Ami des muses, Avignon, 1758, p.331-332. Sur les conditions de cette polémique qui opposa Voltaire à Jacob Vernet à propos de Servet, voir la notice dans CLG (1758), V,13-14, note 11.

Numéro
$4249


Année
1758

Auteur
Rival (David), horloger genevois



Références

CLG [éd.Kölving], V,13-14