Apothéose de Boileau ou Boileau Momus
Apothéose de Boileau ou Boileau Momus
Abandonné des enfants d’Esculape
Boileau gisait malade dans son lit.
La mort s’approche, il frissonne, il pâlit,
Croyant déjà qu’à son huis elle frappe.
Les zélateurs du Juvénal français
Offrent au Ciel pour lui mainte requête.
Le bon Jupin entend assez leur voix,
Mais là-dessus il a martel en tête.
Comment sauver un homme qui du sort
L’arrêt fatal livre au bras de la mort ?
Bien voudrait-il que la parque apaisée
Longtemps encor pût grossir la fusée
De ce mortel utile à tant de gens.
Ami du vrai, du bon goût, du bon sens,
Chaud à venger la raison méprisée.
Ainsi, perplexe, le roi de l’univers
Pour s’étourdir s’avisa de relire
De notre auteur la neuvième satire,
Pleine de sel et d’agréments divers.
Il la relut, y trouva nouveaux charmes :
Ô le trait vif ! ô le tour délicat !
S’écriait-il ? Momus n’est qu’un fat ;
Au grand Boileau tu dois rendre les armes
Oui, désormais, je veux qu’auprès de moi
Il ait l’honneur d’exercer son emploi.
Pas ne sentit toute la conséquence
De ce Je veux, le souverain des dieux.
Bien étonné quand alors de ses yeux
Il vit Boileau comparaître en présence
Nouveau Momus à la place du vieux.
Trop bien prit-il tôt après patience
Lorsqu’il ouït ce railleur gracieux
Lui réciter sa fameuse Équivoque,
Qui de la terre ici l’oreille choque
Mais qui toujours réjouira les cieux.
Elle plut fort : les dieux qui l’entendirent,
De leur monarque à la pièce applaudirent,
Tous, hors Momus, qui, seul en tapinois
S’alla cacher, laissant la confrérie
Des immortels proclamer d’une voix
L’heureux Boileau dieu de la raillerie.
Clairambault, F.Fr.12695, p.41-42