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Épitaphe de Louis Quatorze

Épitaphe de Louis Quatorze

Ci-gît qui tant qu’il fut véritablement roi

Fut véritablement digne du diadème ;

Son peuple fut heureux, gouverné par lui-même

Avec plaisir il recevait sa loi.

Louis est dit le Grand sans qu’on lui fasse grâce ;

Nul de nos rois ne l’a tant mérité,

Et sans faire de tort à la postérité

Il peut être persuadé que nul ne le passe.

Les maux qui sur sa fin ont accablé l’État,

Quoiqu’à bon droit chacun s’en plaigne,

De ses beaux jours n’offusquent point l’éclat.

Ils n’ont pas été de son règne.

Voulant sanctifier ces guerrières vertus

Par une humilité profonde

Et tout vivant mourir au monde,

Il remit sa couronne et son sceptre à Jésus.

Aimant Jésus comme il l’aimait

Il remit à sa Compagnie

Du sceptre dont il se dépossédait

Et la puissance et la régie.

Mais pour qu’elle fût obéie,

Éviter la discorde, la brigue et l’envie

Et ne pas tomber dans le cas

De quitter comme fit Charles le Quint

La retraite que sa piété s’y était faite

Pour redonner le calme à ses États

Par une sage prévoyance

Il conserva de roi le titre et l’apparence.

Ainsi, passant qui voyage en tous lieux,

Apprends aux nations qui seraient mal instruites

Que dans ce règne il en faut compter deux,

Le règne de Louis et celui des jésuites.

Exploits dans les combats jusqu’alors inouïs,

Armes toujours victorieuses,

Hérétiques chassés et leurs temples détruits,

Églises, hôpitaux, monastères construits

Autres fondations profanes et pieuses,

Lois plus sages et plus nombreuses

Que de Rome les lois fameuses,

Asile seul des potentats

Par faction chassés de leurs États,

Dans la prospérité, vainqueur doux, favorable,

Et dans l’adversité constant, inébranlable ;

Aimable en tout, aimé, chéri, vanté partout

Du bout du monde à l’autre bout.

Mort admirable encor plus que sa vie,

Au héros, au chrétien, à tout digne d’envie,

Voilà le règne de Louis.

Impôts sur impôts entassés,

Lieux saints détruits, souillés,

Têtes saintes proscrites,

Engagements du roi faussés,

Ci-gît qui tant qu’il fut véritablement roi.

Numéro
$8274


Année
1715




Références

F.Fr.15152, p.78-82